José Bruffaerts       Ecrivain Public

 

     
 

 


HAUTS LIEUX DU RONDE
 


C’était une journée d’automne, une de ces journées écrasées de bruine, pendant laquelle il semble que le firmament chargé d’un trop plein de grisaille, veuille se laisser tomber sur la terre tant les épaules fléchissent sous son poids. L’opacité de la brouillasse humiliait les couleurs chatoyantes automnales des Ardennes Flamandes.

Jean-Marc s’était mis dans la tête de rouler dans la cour des grands. Celle des randonneurs qui font du voyage en montagne leur marotte. Un objectif permanent, un besoin qu’ils compensent le restant de l’année par des projets. Par des brevets, des randonnées officielles, des ascensions ponctuelles. Par des sorties entre copains aussi. C’était le cas en ce début de novembre.

La journée faillit mal commencer. Un coup de fil de Gégé sauva les meubles. Jean-Marc, qui avait probablement prévu ce petit contretemps, cachait dans sa musette son pardon sous forme de deux gros saucissons d’Ardenne et deux brunes onctueuses d’Achouffe.

Renaix "Eglise St Hermès"

Au pied du Mont de la Cruche

En sa qualité d’invité d’honneur, Jean-Marc détermina lui-même les ascensions qu’il comptait épingler à son tableau de chasse. Son premier coup de cœur fut pour le mont de la Cruche perché sur les hauteurs de Renaix. En mémoire du « Crique ». Grimpé à une allure soutenue, le Kruisberg fut prolongé par la montée de l’Hotond (150m) qui est le point culminant de la Flandre orientale. Si l’horizon avait été dégagé, Jean-Marc eût pu découvrir pas moins de 108 clochers différents. Hélas !
Au sommet, nous prîmes la direction de la « Ronde van Vlaanderenstraat » où un hommage s’imposait au mémorial de Karel Van Wijnendael, le père du Tour des Flandres. Ensuite, ce fut la longue descente vers Berchem. Gégé, cyclant dans son jardin, connaissait les lieux à la perfection. Comme ceux-ci ne m’étaient pas tout à fait étrangers, nos chemins se séparèrent ici pour la première fois. Gégé et Jean-Marc prenaient l’assaut du Vieux Quaremont pendant que je parvenais sans effort au sommet du Patersberg en contournant le raidillon par Stookje,. De-ci, de-là, un saule aux vertes feuilles oblongues tachées de noir interrompait une campagne faite de cultures.
Jean-Marc se présenta le premier en haut du Patersberg, un des redoutables juges de paix du Tour des Flandres. Il faisait la course en tête, Gégé dans sa roue et moi…au balcon. Ma condition physique était pour le moins émoussée. Aussi était-il préférable de couper au court pour le « Pico Bello » tandis que les deux grimpeurs filaient vers le Koppenberg. L’estaminet du « Pico Bello », situé au carrefour de Louise-Marie, convenait parfaitement comme point de rencontre.
Le temps d’une chansonnette et l’équipe était à nouveau au grand complet. A cette pause café, il ne fut question que de vélo. Mais de quoi parler sinon de vélo quand un cyclo en rencontre un autre.

Le Patersberg


Le Muziekberg n’opposa guère de résistance à notre ardeur et le Fortuinberg, le versant opposé, nous amena à proximité de l’auberge du « Fiertel » qui a adopté le patronyme de l’Ommegang, un cortège folklorique qui sort le jour de la Trinité.
Au bout de « Klein Frankrijk », la zone industrielle de Renaix, la Flandre flirte avec la Walonnie : « Schoonboeke » à droite, « Beaufaux » à gauche. La Terre d’Accueil ne nous garda pas longtemps sur ses terres. Le temps d’un clin d’œil au moulin des Cats et la route des Crêtes nous rendit au carrefour sommital du Beau Site.
Une fois de plus, nos routes se divisèrent ; Jean-Marc et Gégé exécutant une large boucle pour franchir le « Grinquier », ensuite piquer sur Saint-Sauveur avant de remonter sur les Monts par les pavés du Mont Saint-Laurent. Pour ma part, j’optai pour une double ascension successive du dit mont. Une alternative plus raide mais beaucoup plus directe. Qui, au bout du compte, n’empêcha pas les lascars de me rattraper et de me laisser proprement sur place lors de ma seconde escalade à allure sénatoriale.

La balade sentait les écuries. L’espace d’une grimpette, le souffle d’une descente et toute l’équipe se retrouva à Germinal devant le domicile de Gégé.

La page cyclo était tournée ; l’épisode « commérages » pouvait prendre son envol devant une table plein de bonnes choses.
 


Automne 1992

 

bruffaertsjo@skynet.be

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