La forêt,
c’est encore un peu de paradis perdu.
Marcel Aymé
Un petit coin de
Paradis
Un jour, par une chaude après-midi
printanière,
Une maman et son enfant
Flânant allègrement par la sente d’une sapinière
Et, se faufilant de clairière en clairière,
Découvrent la merveilleuse forêt du Brabant.
Dans le sentier qui joue à saute-mouton
Le bambin s’en donne à cœur joie,
Ignorant toutefois
Que Soignes profile pour toujours ses jeux de garçon.
Ils s’arrêtent et prennent un peu de repos
Sur la berge d’un des étangs de Groenendaal.
Sous les pleurs d’un saule, une carpe paresse sur le dos.
La maman se réjouit de prendre le soleil,
L’enfant, lui, préfère épier les ébats d’une corneille.
Hélas ! L’heure avance inexorablement
Il se fait tard, dit la maman :
« Rentrons vite par le chemin du Hazendal ».
Le décor est planté. Notre héros reviendra
volontiers
Jouer ou vagabonder dans le chemin du Terrier.
Vient l’adolescence. La Forêt de Soignes
sombre dans l’oubli
Camouflant à de rares occasions quelque jeu interdit.
Ni l’isolement d’un chêne prestigieux
Défiant la futaie des hêtres majestueux ;
Ni le jaune du genêt, ni le mauve de la bruyère
Chassant la myrtille égarée ou l’arrogante fougère ;
Plus rien hélas, plus rien ne lui inspire de l’attrait.
Le Val-Vert l’indiffère.
Notre-Dame de Bonne Odeur ! Quel mystère ?
Plus rien hélas, plus rien ne lui plaît.
L’adolescent se détache de la nature.
Il néglige jusque à ignorer cet écrin de verdure.
Et pourtant ! Rien n’est perdu !
Car c’est méconnaître le Sylvain, le Dieu des Forêts
Qui ne s’avouant pas vaincu
Entreprend de reconquérir son sujet
Et projette l’ensorcellement un joli mois de mai.
De fait, un beau matin, notre héros promène
son chien
Dans les matiti qui bordent la drève des Augustins.
Une myriade de jacinthes bleues courbent la tête à son
passage
Invoquant les Dieux en silence
Pour que dans un élan fatal, il ne leur fasse outrage.
Le miracle s’accomplit. Magnanime, il accorde sa clémence
Sensibilisé par la souffrance de ces hêtres déchaussés
Alors que du Rouge-Cloître, il rejoint la rue des Deux
Chaussées.
Appréciant davantage ce havre de paix
Il se promet désormais
A l’instar des Van der Goes, Oleffe et autre Willequet
De respecter ces lieux divins à tout jamais.
Alléluia ! Cet enthousiasme ne fera plus que croître et
embellir.
Bon Dieu ! J’oublie la petite reine que
diable !
Car c’est à elle qu’il doit ce plaisir ineffable
De reculer les frontières soniennes présentes et à venir.
Depuis lors, il s’aventure dans les chemins
les plus hasardeux
Comme la Dronkenmandreef, ornière saupoudrée
De lumière tamisée par les mélèzes et les résineux ;
Comme la drève des Brûlés,
Longue ligne droite aux ignobles pavés ;
Comme la Wollenborre, bordée d’orties et de fourrés
Et puis, qui s’en va mourir dans les Etangs des Enfants
Noyés.
Et comme cette fabuleuse histoire est loin de
s’achever
Je crains de me noyer dans la mare à Grapin.
Aussi, permettez-moi de prendre congé
Et de ce pas, m’en vais me balader
Dans le Bois des
Capucins.

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