José Bruffaerts       Ecrivain Public

 

 

Le col du Parpaillon

 
 

 
 

Tout cyclotouriste quelque peu initié sait que le col du Parpaillon (2645m) est au cyclo-grimpeur ce que Paris-Brest-Paris est au randonneur. Il est donc probable qu'un Cent Cols, tant qu'il n'a pas accroché ce monument à son tableau de chasse,  sente quelque part un manque,  voire une énorme lacune aux yeux de ses confrères. 

Ce col, considéré comme le bout du monde, il y a moins d'un siècle, a fait couler beaucoup d'encre.  Au point d'émarger en légende, en mythe.  A deux reprises, j'avais tenté de le gravir.  Par deux fois, il m'avait fallu y renoncer au tout dernier moment.
Quoi qu'il en soit, en ce début de septembre, m’y voilà.  Planté devant le portail du Parpaillon, je n’éprouve pas la griserie du silence absolu décrit par Philippe Marre.  Je ne partage pas le sentiment de Gérard Mage qui prétendait qu’une fois devant le tunnel, vous serez un cyclo escaladeur comblé, tel un montagnard qui en fait toute une montagne. 

La magie des hautes cimes n’est pas au rendez-vous !  Que s’est-il passé ?  J’ai loupé mon rancart avec le sublime.  Mon billet pour les Champs Elysées est postposé aux calendes grecques !  A force de fantasmer sur ce col, j’avais fini par en faire une montagne.  Et celle-ci vient d’accoucher une souris.

Comment expliquer cette attitude blasée ?


Elle est le fruit d’une succession de petites déceptions.  Ainsi, le pourcentage de la déclivité, bien que régulière et pentue, ne nécessite jamais de quoi grimper aux arbres.  D’autant plus que si le randonneur est équipé en fonction du relief, il n’a pas de raison de s’inquiéter et, en fin de compte, quand il prend l’ascension en patience, il parvient au tunnel bien avant que sa pompe se mette à déconner.  Encore si déconner, elle eût envie ! ! ! 

Quid le tunnel et son illustre lourde de tous les honneurs ?  Le piège obscur dans lequel tant de randonneurs ont eu les chocottes !  Pour me plonger un tant soit peu dans l’atmosphère des conteurs "parpailloneurs", je m’offre le luxe de refuser l’aide d’une 4 x 4 qui me propose d’ouvrir la route.  Il est une vérité cependant !  Même avec un éclairage performant, on n’y voit goutte !  Je corse un tant soit peu l’affaire en renonçant à chausser mes pataugeasses. La traversée du tunnel se fait malgré tout sans avatar et sans difficulté et ce,  dans les deux sens.  Nickel sur toute la longueur.  Quelque vingt ans plus tôt, le boyau de la mort devant Val d’Isère m’avait autrement remué les sangs. 

De la flore, n’en parlons pas !  Je n’ai aperçu qu’un rare colchique.  Et de la faune ?  Parlons-en !  Excepté des moutons par milliers, deux choucas qui s’éternisaient à reluquer le cuir de mon crâne et une marmotte phénoménale surprise par un crâneur dégarni, toutes les autres bestioles s'étaient terrées au plus profond de leur trou.



Marmotte au aguets


Versant La Condamine, l’asphalte qui se prolonge jusqu’à la fontaine Ste Anne, en fait un col qui ne le distingue en rien de ses voisins ubayens.  Ensuite, rien de bien transcendant jusqu’à la buvette du Clausis et la Grande Cabane du Parpaillon.  Une montagne striée, que l'on découvre entre les derniers mélèzes, écrase la combe de sa sombre masse rocheuse et monotone.  Aucune couleur chatoyante ne jette un air de gaieté dans ce monde minéral. A luminosité nulle, pellicule épargnée.  A fortiori, les impressions s’en trouvent mitigées !   Point de gouffre, point de précipice, point de faille.  Le chemin s’infiltre au cœur de la montagne sans faire appel à des constructions en corniche, sans ouvrages d’art.  Rien de spectaculaire, rien de passionnant !  Sans la déclivité marathonienne, j’eus passé le col du Parpaillon à la trappe de mes chroniques. 

Réflexion faite, le côté versant Embrun a un aspect positif par rapport à l’ubac puisqu’il donne l’occasion au randonneur de signer le Livre d’Or à Crévoux.  Une satisfaction personnelle qui n’est compréhensible que par un fêlé de la même espèce. 

Quoi qu’il en soit, les Alpes du Sud ont beaucoup mieux à proposer.  Il va de soi cependant qu’une telle réflexion n’engage que l’auteur de ces lignes.


Septembre
  1999

 

bruffaertsjo@skynet.be

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