José Bruffaerts       Ecrivain Public

 

 

 

 
 

 
La Folie des Baisses

 

Suite à la dernière mise à jour du site " Confidences ", des internautes m’ont demandé la signification des chimères à gogo dans ma chasse aux monuments du cyclisme.  D’accord, l’expression n’est pas des plus heureuses.  Cependant, avant de lever ce coin d’ombre, il me semble judicieux de faire la lumière sur le pourquoi de ma rage d’écrire. 

C’est en 1968, lors de mon service militaire obligatoire, que je découvre avec effarement une des plus grandes plaies de l’humanité à savoir l’illettrisme, un fléau qu’il faut dissocier de l’analphabétisme (cf. La Piste aux étoiles).  Un analphabète est une victime malheureuse de la société.  En général, il regrette son état de précarité.  L’illettré est par contre un individu qui a du mal à déchiffrer des textes courants et qui ne se rend pas toujours compte quand il se plante de tout son long.  Si vous êtes confronté avec un tel zig, faites le mort et réfugiez-vous dans votre thébaïde !

Quant à la perception de mes " Confidences", le peloton des ramollis de la substance grise a magistralement fait fausse route.  Il a carrément brouté la luzerne.  Pourtant, la bafouille était balisée en exergue par une épitaphe qui élimine toute confusion.  Nonobstant l’avertissement, ils sont tombés dans le piège des Thermopyles (à ne pas confondre avec thermopile) comme un seul homme car, je suppose que ces prosélytes de l’obscurantisme assimilent la langue française à du chinois.  Or, l’alphabet français ne compte au total que 26 lettres alors que le chinois recense entre 3000 et 5000 sinogrammes (pictogrammes).  Grâce à ce système, les mandarins ont fait de leur langue un labyrinthe infini et intemporel mais jamais statique.  Car chaque phrase peut être interprétée de façon différente, surtout dans la langue parlée. Il n’y a jamais un seul sens, il y en a plusieurs.  Rien n’est jamais fixé.  Et voilà, le tour est joué, tout le monde rentre gagnant. CQFD.  Merci, Cyclojose ! 

Un peu plus tard, dès que je fus convaincu que cyclotourisme se conjuguait avec art de vivre, il me vint à l’idée de partager mes sensations hebdomadaires par le biais de la revue fédérale.  À la sauce Don José.  Et amener mes pairs à la lecture par un florilège de brimborions, de notes et d’anecdotes.  Ne voilà-t-il pas que dans la foulée, je m’autoproclame " Don (de Dieu) qui Chotte " de la belgitude.  Le nouveau " Messi (e) " de la pédale !  Tant à faire ! Autant déconner à fond la caisse !

      

Souvenirs, souvenirs, …
Début des années soixante-dix, dès ma reconversion au vélo, je me suis mis en tête de rééditer les prouesses que mon compagnon de classe Eddy avait réalisé en compétition au cours de sa carrière sportive exceptionnelle.  À deux différences près, exit la course et vive l’allure libre en randonnée ou en voyage itinérant.  De plus, je disposais d’une vie entière pour y parvenir.
À cette époque, le vélo-loisir renaissait de ses cendres et une majorité de clubs de vélo avait rejoint une fédération ou une ligue qui était le meilleur moyen pour s’immerger dans le monde du cyclotourisme.  Et comme les cyclos ne sont pas des culs-de-jatte, les organisateurs incorporaient dans le trajet une côte, voire un mur pour y mettre un peu d’ambiance.  En fait, c’était la formule idoine pour satisfaire les folies de tout un chacun. 

En 1977, mon partenaire André succombe aux chants des sirènes de l’amour et ma quête change aussitôt de dimension.  Je franchis quelques cols gapençais dont celui de la Sentinelle et les côtes reprises dans la semi-classique de " La Flèche brabançonne ".  Un carnet de route fait son apparition ce qui va me permettre de rédiger huit jours plus tard un tas d’histoires dans le détail, voire trois décennies après l’événement.  D’où un stock illimité de nouvelles qui encombrent ma mémoire car je ne sais plus " de chemin avec" comme eût dit mon Auguste père.

Quand je consulte mes premières notes, je me vois frapper à la porte d’une fédération belge où le radicalisme communautaire n’est pas encore parvenu à pervertir les associations sportives privées.  Les ségrégationnistes et le pognon allaient s’en charger !  En attendant la rupture des membres associés, la fédération déclarait que la compétition n’était pas de son ressort. " Notre pratique du vélo de loisir – sport allié au tourisme – bannit la notion de compétition ".  Tout-à-fait vrai mais nulle part, il n’est fait allusion au vélo en tant que moyen idéal pour se refaire la cerise en cas de burn-out, bore out, voire la descente aux Enfers.  Sauf mauvaise lecture de ma part !

Ma chasse aux bosses prend naissance un beau dimanche du 8 juin 1980 à la suite d’un défi lancé par mon beau-père qui avait relevé l’annonce d’une manifestation cycliste dans le quotidien " Le Soir". Une rigolade pour le premier sportif venu !  La première édition du Tour du Hainaut oriental, longue de 230 km comptant un dénivelé de plus ou moins 2500m, décrivait une boucle au départ de Soignies vers Beaumont, Chimay, Thuin et retour à Soignies.  La côte la plus significative étant celle de Rance.  Le 22 juin 1980, je remets le couvert dans la Haute Meuse qui faisait la fête aux côtes puisqu’elle recensait cinq juges de paix dont La Pairelle, Leffe, Gayolle, les Sept Meuses et la Citadelle.

 

C’est parti mon kiki !  Le virus est inoculé pour toutes les lunes qui vont se succéder.  Je décide de mettre à mon programme de route un minimum de 3 monuments du cyclisme par an (pour commencer) en complément à mes sorties libres.  T.B.T (LA Doyenne – version cyclo), le BAR (la copie conforme du Brevet dur randonneur alpin) et la Flèche de Wallonie seront les 3 premières classiques à ouvrir le bal.  En même temps, j’inaugure le brevet des Cols Durs par le Mont Ventoux et poursuit une chasse effrénée au Club des Cent Cols.  A la même époque, mon ami Michel Dessart des Dragons de Mons crée le BCCB, le brevet cyclo-côteur belge qui est un challenge similaire au BCMF, le brevet cyclomontagnard français.  La merveilleuse aventure se prolongera pendant une longue décennie et sera doublée ensuite par une version plus soft qu’est le challenge des brevets à dénivellation.  En outre, dès la mise sur pied du Brevet international du Grimpeur (BIG) en 1985 et dans sa foulée l’Association des Monts de France, je signais présent pour tout ce qui montait au ciel, y compris le fleuron des courses " OPEN " tel que " La Marmotte ".  Excepté le chemin de St Jacques de Compostelle.  Voilà la faille pour l’éternité !

Bref, tout va très bien Madame la Marquise.  Hélas, un homme n’est jamais heureux, il lui en faut toujours davantage.  Résultat des courses : les organisateurs rivalisent d’imagination, gonflent les listes des goals à atteindre ; des cyclos futés assouvissent leur rêve en créant des cols ex nihilo dans leur jardin, d’autres redéfinissent la terminologie de la géomorphologie et biaisent les règles existantes.  Bref, un monde insatisfait est en ébullition.
Nous sommes une bonne dizaine d’années avant de passer au deuxième millénaire.  Comme les raidillons font recette, de nombreuses épreuves cyclistes se plaisent à truffer leurs parcours de côtes.  Le vélo en montagne a le vent en poupe, appuyé en cela par des magazines spécialisés dans le cyclotourisme.
Aussi voit-on apparaître la création d’un col ex nihilo dans l’ascension du Mont St Aubert dans le Tournaisis qui est inauguré en grandes pompes par les pontes du Club des Cent Cols.  Le porte-parole des Audax de Tournai titrait à l’époque ; " Tous les moyens sont bons pour faire rouler les cyclos ".  Et comment donc !Les cyclos vont se faire rouler dans la farine autant qu’ils sont !  L’initiative inspire aussi nos amis nordistes qui créent ex nihilo le col de Long Buisson près de Bavay et le Pas St Rémy dans le Cambrésis.

Voici mon compte-rendu in extenso de l’époque.
Le 28 mars 1998.  Je me mets en route à Etroeungt (près de Fourmies) dans l’Avesnois pour une boucle de 110 km développant 850m de dénivelée positive.
La Thiérache. Oh ! le joli nom ! C’est une région imprégnée d’histoire qui appelle le curieux à en savoir davantage sur ce coin perdu aux confins de la Picardie.  Le cyclo autochtone a fort bien compris le challenge.  Pour accentuer l’intérêt aux yeux des prosélytes, il a semé un col entre les champs de betteraves qui s’étendent à perte de vue au sud de la bourgade de Guise.  Il sait qu’il faut d’un rien pour faire rouler un Cent Cols.  Il sait qu’un col, même s’il ne se pose pas en juge de paix, reste un but de sortie.  Donc, comme tout Cent Cols qui se respecte, je me fixe cet objectif en ce début de printemps.
J’y suis allé.  Et, j’en suis revenu dégoûté !
Je m’abstiendrai de rédiger une note négative.  Néanmoins la probité m’impose de clamer à gorge déployée que le versant « EST » du Pas Saint-Rémy ressemble à une côte comme il y en a des centaines dans le bled et le versant opposé n’est qu’un faux « faux-plat ».  Rien de plus.  Parodiant Michelin, je dirais : " À franchir par accident ".
En somme, de cette balade longue d’une centaine de bornes, probablement mal tracée par mes soins, je ne retiendrai qu’une longue matinée sans le moindre coup de cœur dans un paysage monotone à mourir.
Veni, vidi.  Quant au vici, c’est un « ad honores » par hasard !

Dans le carnet de route, j’indique aussi : " À mettre dans le même sac que le col del Saux ".
Voilà un défi que je qualifie de mascarade nonobstant qu’il soit repris dans les cols belges reconnus par la FFBC et repris sur les cartes Géocart.  En fait, le soi-disant col s’inscrit dans la même lignée que le Pas St Rémy.  Tous les deux sont perdus au beau milieu de vastes champs de culture.  Or, en fonction des documents qui sont en ma possession, il s’avère que le col del Saux répond en tous points aux normes exigées par le Club des Cent Cols.  Par conséquent, le Club des Cent Cols homologue d’emblée le col.  Trois lustres plus tard, le col disparaît de la liste des cols routiers belges repris autrefois par nos mêmes voisins.  Quand je visionne la liste, il y a même le Pas de Wolfhaag, situé dans le Limbourg néerlandais, qui intègre la liste des cols belges.  Du n’importe quoi chez les uns, du grand n’importe quoi chez les autres et de la franche rigolade chez nos amis méridionaux.

Mode d’emploi pour créer un col en Belgique 

Extrait de correspondance entre la commune de Jurbise et R.P des Dragons Audax de Mons 

03.01.1993
Objet : découverte d’un col routier à Herchies
…      Si le passage d’un versant à l’autre semble évident, la dépression en crête n’était nullement certaine.  Après une étude topographique sur le terrain, le doute est levé.  Ledit col existe bien !  Séparant le S-O, le Bois de Soigne (92m) et le N-E, le Champ du Moulin (87m), notre col culmine à 85,52m au-dessus du niveau de la mer. …  Un panneau routier offert par la firme Niezen signalera le " Col del Saux ".
  …
Ndlr.  Chapeau pour la précision altimétrique !  Je suppose qu’on a tenu compte de la réfection de la route !  C’est plus fort que la mesure de la montagne JING dans la province de Shandong en Chine qui se targue de posséder une des plus petites montagnes du monde.  Son altitude culmine à 60cm (sic).  Si le monde entier n’est pas heureux après tout ça, que faut-il inventer de plus ? 

12.01.1994
« Nous avons l’honneur de porter à votre connaissance que le Collège Échevinal en sa séance du 10.01.94 a autorisé d’apposer un panneau au sommet du Col Del Saux … … » 

19.01.1994
Envoi d’une copie du dossier complet au Club des Cent Cols via Germain Geenens, délégué officiel du C.C.C pour la Belgique. 

Tout est bien qui finit bien puisqu’autrefois Michel de Brébisson, une huile du C.C.C résumait l’article 2 de la règle du jeu du Club de Cent Cols par " un col existe lorsqu’il est nommé ".  Cette formulation ouvrait la boîte de Pandore !

Quoi qu’il en soit, c’était l’aubaine qu’un rêveur d’étoiles se devait d’exploiter.  Fallait surtout pas louper le côté opportuniste de la manip :
R.P implante un col ex nihilo dans son jardin.
La commune ne débourse pas un clou, et à défaut d’afficher d’être un des villages fleuris de Wallonie, elle peut néanmoins se pousser du col.
La société de cartographie (la même pour laquelle j’ai bossé pendant 2 ans) mentionne une donnée inédite sur ces cartes, ce qui ajoute un argument de vente supplémentaire.  Un souci cependant !  Les courbes de niveaux ne sont pas représentées.  L’Institut Géographique National ne cautionnera pas cette initiative.
Pour les clubs cyclos locaux, c’est une plus-value à ajouter sur la feuille de route pour attirer le badaud à leur opération accroche-gambettes !
Par conséquent …
Tout le monde est satisfait sauf le rabat-joie qui est allé se paumer au Pas St Rémy, au col del Saux et ailleurs sur des taupinières insignifiantes. Ce dernier s’est senti grugé par un guignol qui a assouvi un besoin mégalo.  Je pèse mes mots !  Quant au panneau sommital du Pas de St Rémy, le pisse-froid reconnait l’utilité du truc-machin-chose qui lui a permis de cibler un objectif pour vidanger sa vessie.  Une rose déclinée à tous les temps et à tous les modes mais c’est à vous qu’il revient de qualifier l’exploit !

Et puis, il y a ceux qui magouillent en douce.  " Ni vu, Ni connu " eût été le panneau approprié en lieu et place du " col du Haut de Beaurieux – 125m ".  P.G, l’homme qui a osé faire le pas (sans trébucher), me conte, lors d’un brevet à dénivellation en pays liégeois, une nouvelle version des aventures de Louis De Funès avec son clebs « Viens ici, Fous le camp ».  Ou la création ex nihilo d’un col au cœur du Brabant wallon.  Je rédige le compte-rendu.  Je le soumets à l’intéressé.  Il arrondit les angles, dédouane ses complices ce qui rend mon papier tout-à-fait caduc.  Ma note ne verra jamais le jour.  En un mot, l’artisan présumé réquisitionne un ouvrier communal pour rafraîchir un vieux panneau de signalisation qu’il renomme à l’enseigne du col.  L’intéressé se présente à la pique du jour au lieu-dit et implante l’écriteau au nez et à la barbe de la maréchaussée.

Bref, au seuil du siècle précédent, il n’en fallait pas plus pour refaire la géomorphologie de la Belgique.  Le potentiel humain étant acquis, il n’y avait plus qu’à trouver un leader incontesté, incontestable, motivé et routiné pour en établir la codification.  Mon ami Daniel Gobert s’imposait comme l’homme de la situation puisqu’il occupait le haut du pavé du cyclogrimpisme belge depuis une dizaine d’années.  Il venait de publier " Les cols d la vie " - jeu de mots parfait pour un enseignant – quand nous eûmes notre premier entretien.  Il s’entoure de 8 collaborateurs et crée la Commission Nationale de Reconnaissance des Cols de Belgique (CNRCB).
Tous les collaborateurs appelés sont des cyclotouristes qui sont tombés dans la marmite de CYCLOTOURIX.  Que des convaincus, des galonnés de la Petite Reine.  Et moi, et moi, et moi, je ne l’étais plus du tout.  Sauf, convaincu d’écraser les orteils de nos cartographes belges autorisés.  S’en suit alors une période très zizanesque entre nos amis Français du Club des Cent Cols et les valeureux petits Belges qui caressaient l’espoir de transformer la Belgique en une nouvelle Petite Suisse.  Hélas, mes compatriotes ont snobé la maxime de Sénèque qui nous enseigne qu’en tout, l’excès est un vice.  Mon Auguste père eût traduit : " Quelle idée de vouloir péter plus haut que son col ! "

Bref, si asteure vous cherchez la liste des cols belges, je vous souhaite bien du plaisir.
Le Club des Cent Cols a revu sa copie en remaniant la liste originale précédente.  Sans oublier de se planter (Bis repetita : Pas du Wolfhaag).
La FFBC (Fédération), toujours prête à accueillir de nouveaux projets du genre brevet à dénivellation, a repris à son compte les activités " Randocols ".  Quant à la liste des cols officiels belges, j’ai jeté l’éponge.  De toute façon, je trouve que nous sommes perdants.  Nous n’avons pas profité de l’occasion d’imposer notre terminologie auprès de la Francophonie.  Le tienne d’Annette et Lubin, le thier de la Haute Levée, la chavée de la Houssière, etc. sont des appellations nettement plus appropriées ! 

Mais encore …
Il y a des autres " Chimères à gogo " ou des cadeaux Bonus.
En France et partout ailleurs.  L’exemple qui me vient à l’esprit est le massif de l’Estérel sur la Côte d’Azur.

 

En 2012, à l’occasion des 40 ans d’histoire de Club des Cent Cols, j’évoquais la personnalité d’un grand ex-ambassadeur de la confrérie :
« Paul André, un ténor du tableau d’honneur des C.C, fit sa vélorution en dégradant tous ses compteurs au nombre de 113, ce qui correspondait à son numéro d’inscription dans la confrérie.  Pourquoi ce chevalier moderne s’infligeait-il ce cilice moral après tant d’efforts ?  Pourquoi cet humaniste, cet homme pieux doté néanmoins de l’indispensable petite touche d’orgueil s’auto-stigmatisait-il ?  La confirmation du saint homme m’explosa bien vite en pleine face !  Par ce S.O.S, le sage indiquait que le Club des Cent Cols n’était pas une fin en soi mais un moyen pour élever son enveloppe charnelle et son âme dans la quête de l’absolu.  Il avait fait sien l’aphorisme de Pierre Dalloz qui affirmait : " Comme tous les besoins profonds de l’homme, celui de l’altitude est universel ".  Et depuis cette prise de conscience, une ascension d’un col de haute montagne équivaut pour le mécréant que je suis à une retraite prolongée d’un croyant dans un prieuré dirigé de préférence par une prieure.  Aussi, muni de ce bâton de péripatéticien, le C.C.C m’aura procuré beaucoup plus de satisfaction qu’une simple collection de cols.  Qui au-delà d’un score d’ailleurs perd de son authenticité et de son bien-fondé.  Paul André avait parfaitement compris le message puisque le nombre 113 métaphorise le sacrifice du Christ.  No comment ! »

Paul André nous a quitté en 2006, le jour après la naissance du Christ.  Comme c’est un personnage que je ne suis pas prêt d’oublier, mieux vaut tard que jamais pour lui rendre hommage.


Je vous propose de retourner au siècle précédent.  Nous sommes le 15 mai 1990.  Ayant jeté mon dévolu sur le massif des Maures pour la chasse aux cols et aux monts, je ne résiste pas aux sirènes de l’Estérel qui se planquent à proximité de la résidence d’été.  Cette manne miraculeuse, je la devais à l’apôtre Paul André que j’avais consulté au préalable.  L’humaniste m’avait mis l’eau à la bouche en me faisant parvenir la carte de la forêt domaniale de l’Estérel.  Sur 6000 ha, il avait coché et balisé plus de 45 cols et baisses ainsi que de nombreux sommets.  Le point culminant étant la tour de guet du Mont Vinaigre (618m) et Belle Barbe (83-45m) s’appropriant la casquette du col le plus bas.  Les non convertis doivent savoir que l’Estérel est un véritable éden pour les randonneurs, un massif de falaises déchiquetées bordant la Méditerranée où les roses font la nique aux verts du maquis buissonnant qui engloutit les ravins.  De temps en temps, un chêne-liège ou un pin parasol émerge de la garrigue.  Cet espace qui est 6 fois plus vaste que le Bois de Vincennes des Parisiens dissimulerait plus de 60 cols en son sein.  Animé d’un esprit frondeur, Paul André avait pris ses distances avec le règlement du C.C.C en août 1987 mais l’insoumis insistait lourdement de ne pas changer les règles du jeu.
(Cf. Revue n° 16 du Club des Cent Cols – Un ténor qui chante faux – Paul André 09.09.1987).  En fait il s’amusait free-lance au jeu des Cent Cols.  Sachant que j’avais inséré la baisse Mathieu (83-204m) dans le parcours, il s’empressa de machiner le verset 2 : 8 de Mathieu l’évangéliste en « Suivez votre étoile … et quand vous aurez trouvé le nouveau col que tout le monde attend, faites-le moi savoir pour que j’aille aussi le reconnaître … ».  Un message sous forme de boutade qui aurait dû me mettre la puce à l’oreille, d’autant plus que j’avais commencé la boucle des 30 cols par la baisse de « Messe-à-con » (83-402m), située sur la Route des Cols au pied du Mont Vinaigre.
Hélas, je n’ai pas la science infuse !  La comprenette me vient toujours à retardement.  En finale, l’abattage « industriel » de la constellation estérelienne n’a pas été ce que j’ai fait de mieux.  Au temps pour moi ! 

Cependant, grâce à la révélation de Paul André, l’Estérel restera néanmoins un souvenir inoubliable.  Difficulté majeure : des " strade rosse " rocailleuses sans comparaison avec les " Strade Bianche " graveleuses.

Mais… déjà … une ombre se profilait à l’horizon.  La caillasse me préparait à la catastrophe de l’Assietta qui allait jeter un froid sur ma manie de sortir des sentiers battus.  Mais ça, c’est une autre histoire.

 

Ne tirez qu’un seul enseignement de cette chronique.  On regrette ce qu’on n’a pas fait.  Et ce qu’on a fait, c’est trop tard pour le regretter !
A refaire le cycle, j’opte donc pour la seconde proposition.  Et vous, qu’en pensez-vous ? Ce ne sont que des carabistouilles, me direz-vous !
D’accord, pourquoi pas si ça vous fait plaisir !

                                                                                                                              Hiver 2023

PS.
Tous les courriers cités en référence sont toujours et encore archivés.

bruffaertsjo@skynet.be

Autres Dossiers