José Bruffaerts       Ecrivain Public

 

 

Il y a des gens qui prétendent
Que la plus belle conquête de l’homme,
C’est le cheval.
Ceux-là ne sont jamais montés à vélo » 

A-B. Bérurier

 

"Les PERLES de SAN-ANTONIO"
                                                                   

Cartons, Perlouses et Jargon du Peloton

 

Découvrez des perles !  Info ou intox ?
Aveu, remord ou virevolte peu orthodoxe ? 
On s’en fiche !  Celui qui lave plus blanc que blanc

En reste souvent baba comme deux ronds de flan !


En parallèle aux cartons, qui ne nécessitent aucun commentaire, j’ai tenu à associer dans ce dossier un romancier qui a connu une destinée exceptionnelle.  C’est grâce au commissaire San-Antonio, un personnage de roman de gare, que Frédéric Dard a pulvérisé les chiffres de vente au box-office du livre pendant des décennies.  Excellent en littérature classique, il a préféré se rabattre sur un genre littéraire non légitimé pour dénoncer les travers des gens bien-pensants, provoquer les conformistes et bousculer l’ordre établi.  Bref, pour un ennemi juré de la crétinerie, c’était certainement la meilleure façon de mettre les pieds dans le plat.

Du coup, il ne se fit pas que des amis.  Le moins que l’on puisse affirmer, c’est qu’il fut un écrivain controversé.  Adulé par les uns, il fut accusé de misogynie et de scatologie par d’autres.  Ses tirades gauloises récurrentes irritaient force lecteurs.  Maintenant, l’auteur concédait qu’étant acculé par l’éditeur à improviser constamment de nouveaux calembours, contrepets, à-peu-près, décalques, pataquès et autres trouvailles, il était contraint à tartiner pour boucler son exercice mensuel.  Il s’en expliquera à plusieurs reprises.  Ainsi, dans " Vas-y, Béru ! San-A-n°23 ", il écrivait : « Un héros de romans policiers perd fatalement conscience.  C’est une concession à la faiblesse que lui consent l’auteur.  À noter que cette perte de conscience sert d’ellipse dans bien des cas.  Ça permet au pisseur de copie de déclarer, lorsque son superman sort du sirop qu’il s’est passé ceci cela plus autre chose pendant ce temps mort.  Il y a des poncifs qu’on doit respecter lorsqu’on a entrepris de distraire ses contemporains. »  Aussi l’homme de plume s’était-il constitué une vaste panoplie de patronymes, d’intitulés et de formules qu’il manipulait et déformait à foison à des fins comiques et ironiques. 

Parmi les "P’tits chouchous et chouchoutes Chantilly" qui reviennent à tire-larigot, on relève l’Académie française ; les écrivains "Robbe-Grillet" et "Marguerite Duras" ; les titres de chefs d’œuvre comme "Le Trouvère de Verdi", "Autant en emporte le vent" et "Le radeau de la Méduse » ; les villes de "New York" (Nouille York) ou "Los Angeles" (L’Os-en-Gelée) ; les têtes couronnées du Gotha européen, etc.
Frédéric Dard ne se limitait pas à ces saillies.  Il ne tarissait pas d’éloges quand il avait quelqu’un à la bonne.  À cela, il y a lieu d’ajouter ses moments de générosité et d’interprétation de père "La Tendresse".
 

Mais … pourquoi ce moraliste-là et pas un auteur actuel à succès ? 

Les livres de la collection "San-Antonio", qui sont truffés de digressions et de métaphores, me font penser à une bande dessinée qui est interrompue en permanence par des flashes d’humeur.  Ce type de procédé convient à merveille pour étoffer le présent dossier.  Les titres des livres interpellent et les citations valent aussi leur pesant d’or.  Elles résonnent comme une profonde défiance dans la nature humaine.  

Les deux caractéristiques qui ont incliné en sa faveur sont les continuelles allusions au vélo et la remarquable tendresse qu’il porte à la Belgique

À une ou deux exceptions près, tous les volumes (+/- 200) font tous, peu ou prou, référence au vélo ou du moins à un accessoire.  Il passe le jargon et les expressions du milieu cycliste à la moulinette.  Le Tour de France et ses champions sont très souvent cités.  Il transfère les attitudes du coureur cycliste au menu du quotidien.  San-A est aussi le seul commissaire au monde qui fasse autant appel au vélo quand il est sur une enquête.  À se demander si F. Dard n’écrivait pas à dessein pour les cyclistes !
Bref ! Ces fréquentes répétitions l’ont érigé en un véritable chantre de la "Petite Reine".   

Quant à ma chère belgitude, on la retrouve tout au long de la copieuse production santoniaise.  Ici, également, plus d’une personnalité belgicaine se bouscule pour occuper le haut du pavé. 
Tête à claques d’un côté, coup de cœur de l’autre.  Marguerite de Yourcenar, le grand Eddy, les frères Kenny, Magritte, Simenon, l’Amigo, Mannekenpis et la Grand-Place de Bruxelles sont les vedettes durant toute la santoniomania.  Mais, c’est la reine Fabiola de Belle-Chique qui obtient haut la main le prix de la combativité : " Elle avait besoin qu’on lui entonne l’air de la légion, version belge  " Tiens, voilà du Baudouin, voilà du Baudouin" - "Le coup du père François" San-A-n°21 »

Il ne m’en fallait pas plus pour rendre hommage à cet auteur génial et prolixe que l’intelligentsia n’ose plus snober à l’heure actuelle depuis que des écoles en France l’ont mis au programme de cours de français.
Toutefois … Lire un San-Antonio ne se fait pas comme du Proust.  Il faut savoir qu’une enquête du commissaire n’a de raison d’être que pour jongler avec les mots et faire des figures de style.  Deux lectures ne sont pas du luxe : la première ne s’attachant qu’au fil de l’enquête, la seconde s’attardant sur les jeux de mots et les interminables tirades. 

L’œuvre et la personnalité de F.Dard ont souvent fait l’objet d’une mise sur le grill.
L’essayiste R. Boviatsis résume en une phrase l’ensemble des écrits de l’auteur:

« On trouve tout ce qu’on veut dans une œuvre aussi démesurément incohérente »
(À propos de l’humanisme de San-Antonio.  La Pensée Universelle.  1979)

L’analyste considère F. Dard comme un humaniste sans aucune illusion. Au lecteur de trancher ! 

Quant à moi, je compare un "book" de San-A à l’achat d’une denrée que fait un cuistot.  Celui-ci achète des produits qu’il n’utilise que partiellement en principe.
Prenons pour seul exemple un poulet rôti.
Parmi les commensaux, il en est qui se régalent d’une fricassée d’ailes, d’autres les rejettent ainsi que la peau pour ne manger que le blanc et les cuisses.  Il existe des convives qui se pourlèchent les babines en suçant le troufignon.  Des cuisinières parcimonieuses conserveront les restes pour en faire une soupe, un soufflé, un taco, voire même une mini pastilla.   En fait, c’est au consommateur qu’il appartient de savourer ce qu’il lui plaît et de jeter ce qu’il considère pour des reliefs.  Kif pour du San-Antonio.
Fais ton marché !  Poulet rôti ou cochon de lait, même destin ?   Tous les (ra)goûts sont dans la nature.

 

Avertissement !

Les coquilles sont "copyright" exclusives de San-Antonio.  Cette orthographe avant-gardiste fait certainement le bonheur des futurs érudits du XXIe siècle.
La numérotation de la collection est aléatoire dû au fait qu’elle a subi plus d’un remaniement.
 

 

San-Antonio, la course en tête


"De tous les Gaulois, les Belges sont les plus braves "
                                                                       San-A (pas con, tu m’masses 
!)

 

« Je suis prêt à te parier le salut de César contre la bicyclette à Jules, qu’il commence à se poser des questions engendreuses de méditations moroses. "De l’antigel dans le calbute.  San-A- n°167" » 

« Je touche sa poitrine.  Ça cognote, mais c’est pas le pied.  Jamais Eddy Merckx ne gagnerait le Tour de France avec un guignol dans cet état. "Un os dans la noce.  San-A- n° 17" » 

« J’esquisse la moue modeste d’Eddy Merckx lorsque des gars du Fiacre lui assurent qu’ils n’ont jamais vu un type de la pédale plus monumental que lui. "N’en jetez plus. San-A- n°93" »


 

♪♪♪ Souvenirs, souvenirs
Je vous retrouve dans mon cœur …♪♪♪

« Un petit garçon sur un vélo d’homme est une image qui me fera toujours chanter en cœur.  Ça me rappelle Tep, un pote de cambrousse, quand j’étais moujingue.  Moi, gosse de gens à peu près aisés, j’ai eu des bicyclettes à ma taille, depuis le petit vélo à stabilisateurs de mes tout débuts, jusqu’au vélo de course à plusieurs plateaux, en passant par la bécane garçonnet avec changement de vitesse et guidon bas dont je passais mon temps à changer la couleur des poignées.  Tep, le môme du "magnin" qui réparait les bassines trouées, les lessiveuses et les clés brisées, se servait d’une antique machine, trouvée dans quelque déblai, que son vieux lui avait rebectée.  L’engin était si haut que, pour l’utiliser il pédalait debout, en passant une jambe à travers le cadre.  Fallait être acrobate pour rouler avec ça.  Tep l’était.  Au point de me battre quand nous faisions la course.  Je prenais chaque fois un bon départ, construisant une confortable avance mais, au bout d’un moment, j’entendais croître derrière moi le bruit de sa bécane déglinguée.  C’était un vélo terrifiant, animé d’une espèce de vie propre et qui poussait des cris !   Tep finissait par me rejoindre, je me sortais les tripes pour forcer l’allure, mais le minuscule gamin, tel un gnome en folie, me passait dans son ferraillement indescriptible.  Il se tenait de guingois, penché hors de la bicyclette, si je puis dire, comme les anciens mécaniciens de locomotive hors de leur monstre noir.  Sa blouse battait au vent.  Son béret basque s’aplatissait et il pédalait, semblait-il, d’une seule jambe, celle qui traversait le vélo pour s’en aller chercher une pédale à première vue inaccessible.
Salut, Tep !  Qu’es-tu devenu ?  Tu mâchais des bâtons de réglisse de bois, qui, lorsque tu les sortais de ta bouche, ressemblaient à des pinceaux effilochés.  Qu’est-ce que la vie  a fait de toi, diabolique lutin ? »

« extrait de "Cocottes-minute" San-A-n°143 »

Et encore 

« Putain ! l’ai-je aimée et pratiquée, la "petite reine" quand j’étais gamin, et même ensuite pendant mon adolescence.  C’est elle qui m’a fignolé des jarrets de bronze.  On dit que la bicyclette, ça ne s’oublie pas, tout de même duraille de repiquer au pédalier quand on trimbale son prose en Mercedes 500 !
Tu sais qu’elle me bat dans les côtes, Rosette ?  A l’énergie, le dandinement Coppi ! 

- Tu fais beaucoup de sport ? ahané-je, parvenu au sommet de la crête.
- Tennis et natation.
- C’est pour ça … 

Je me retourne.  On distingue l’incendie, au loin.  Une fumée noire qui monte, rectiligne dans le ciel.  Heureusement que l’’étui plastique s’anéantit quand la bombe éclate, sinon l’enquête de la gendarmerie risquait de nous flanquer dans la béchamel.
On finit par trouver un autobus qui nous ramasse avec nos vélos et nous laisse à Chalon-sur-Saône … »

« extrait de "Le Silence des Homards"  San-A-n°151 »  


 

Décarrade "1" : "L’équipée sauvage" 

« J’avise un petit pâtissier qui descend de vélo avec sous le bras un panier contenant un Saint-honoré à la crème.
Je déshonore le Saint-honoré en le lui collant sur le naze, et j’enfourche le braquet !
À moi Kubler !  J’y vais en danseuse, la langue traînant sur le pédalier …  Je bifurque … Je me fous de la direction, j’aime la fantaisie et n’ai jamais été pour les voyages organisés …
Je pédale, je pédale, comme dirait Charpini.
Je biche des sens interdits, je me lance dans les ruelles à escaliers.  Un vrai numéro.
À Pinder, on louerait trois mois d’avance pour assister à mes prouesses »

« extrait de "Au suivant de ces messieurs"  SAN-A-n°65 »

« Les femmes qui se vendent, les sportifs qui se dopent font à leurs contemporains d’inestimables présents !  Il est monstrueux de les traiter en parias.
"Valsez, pouffiasses"  San-A-n°141
" » 

« C’est pas avec des purées qu’on gagne le Tour de France.
"Vas-y, Béru !  San-A-n°23
 »

 

Décarrade "2" : "La chevauchée héroïque" 

« … Je prie saint Brave de m’éclairer, ne fût-ce qu’avec une petite loupiote.  Et je vais te dire une bonne chose : faut pas hésiter à invoquer les saints ; moins ils sont connus, plus ils sont flattés et plus ils te concèdent.  Que ces pauvres bienheureux en ont ras l’auréole de voir toujours les quidams s’adresser directement à Dieu.  Ça leur donne l’air de quoi, ces pelures, qu’on les passe outre délibérément, kif s’ils n’existaient pas ?
Moi ? je vois saint Brave, en la circonstance, il fait ni une nid d’œufs, m’oblige à tourner la tête vers le fond du gourbi pour m’apercevoir un vélo.  Oh, il ne s’agit pas d’un Colnago de course, dix vitesses, en alliage léger.  En fait, c’est un cycle vétuste, rouillé mais pouvant encore te balader le maréchal-ferrant Dada avec les seize épouses réparties sur le cadre et le porte-bagages.  Bref, ce n’est pas un vélo mais une bicyclette.  Par mesure de machin, je ligote mes deux douaniers dos à dos, étant à court de liens, puis j’enfourche ma nouvelle monture et vas-y Poupou !
Je fonce, à grandes pédalées grinçantes dans la nuit fraîche.  Et je songe qu’il y a des lurettes, toutes plus belles l’une que l’autre, que je n’ai pas fait de cyclotourisme.  Dans le fond, c’est un sport qui mérite.  Le bas de mon futal roulé dans mes chaussettes, les pans de mon veston au vent, j’appuie fermement, comme un qui sait où il va et qui est pressé d’y parvenir.  En fait, je me rends à Bravissimo sans idées prélavables (Béru dixit).  Simplement parce que c’est là-bas que je devrai "faire quelque chose" s’il y a quelque chose à faire.
-T’es content ?
-Moi non plus.
Pourtant, j’éprouve une certaine allégresse de chiquer les coureurs de l’âge d’or.  Le temps héroïque où le Tour de France se courait en cinq étapes.  L’époque de Petit-Breton, comme papa me causait.  Il était tout bibace, lui-même dans ces années heureuses.  Peut-être qu’il n’était seulement pas né, j’sais plus.  Et que c’était son papa à lui qui lui racontait les hauts faits des premiers géants de la route.  Tout va si vite.  Tout se malaxe si parfaitement que tu finis par intervertir et ne plus savoir qui a vécu le premier, de Gutenberg ou de Blériot, de Victor Hugo ou de Blaise Pascal, de De Gaulle ou Richelieu. 

Le petit oiseau blotti dans mon pédalier gazouille de plus en plus gaiement.  Je gravis des pentes, fonce "à tombereau ouvert" dans les descentes, dénoue des lacets, ou encore je "roule à ma main" sur les espaces plats.  Le beau langage de l’Équipe m’arrive pour me survolter.  Alors je me mets en danseuse, je dose mes efforts, je lance le sprint, je chasse derrière le peloton, je recolle aux fuyards, je revois des échappés, je mène plus souvent qu’à mon tour, je casse la baraque, et d’autres …
Si bien qu’en très peu de temps, je parviens à Bravissimo.  Il est haletant, Sana.  En nage.  En âge de se changer.
Je dois me raser, me baigner, me sustenter, dormir.  Surtout dormir, oh, oui !  Alors tout bêtement, tout innocemment, je regagne mon hôtel. »

« extrait de "Viens ave ton cierge"  San-A-n°95 »
 

Digression indigeste 

« Le Dabe en golfeur, il est un peu sublime sur les bords.  … Pour moi, le golf est sport avec lequel les gens huppés (ou feignant l’être) font joujou. … Des esclaves coltinent leur ferraille à la con. … Moi, je préfère le Tour de France dans l’Alpe homicide, ou bien le tournoi de Roland-Garros, voire celui des Cinq Nations.  J’aime qu’on s’emploie pour de bon. …J’ai horreur de l’afféterie.  C’est pourquoi, ces élégants maniérés, avec leur carquois plein de cannes superflues, qui "peutent" plus haut que leur cul, j’ai un peu honte, comme si souvent dans ma vie, quand je vois pleurer ceux qui devraient rire et bouffer ceux qui devraient maigrir. »
« extrait de "Renifle, c’est de la vraie"  San-A-n°137 »

   

In vino veritas ! 

« D’ailleurs, la radio sublimise les moindres banalités.  N’assiste jamais à une course cycliste sans avoir ta radio en main, sinon tu passes à côté de l’épopée.  Une étape du Tour, tiens, c’est beau qu’à travers Blondin ou Chapatte.  À voir, ça paraît tout bêta ; trop simple, banal.  Faut qu’un spécialiste te tisse la grandeur pour mettre autour.  Cuisse de coureur sur lit de gelée à l’estragon.  Plus appétissant.  Mieux comestible.
La réalité ?  Une foutaise.
Vive les poètes du radioreportage et du radiotagereporté. »

« extrait de "J’ai essayé, on peut"  San-A-n°6 »

 

Santoniaiserie 

« … Moche, la viande quand elle en peut plus, quand elle foire, quand son système débloque.  L’esprit suit.  Il fait le malin, l’esprit.  Il caracole en tête du peloton lorsque la viande va.  Il est maillot jaune, l’esprit, quand le bonhomme est en parfaite santé.  Mais il devient lanterne rouge lorsque ça se déglingue dans la matière !  On le croyait souverain, il n’est que vassal !  Le but de la bougie, certes, c’est la flamme !  Mais sans bougie y a plus de flamme !  Un c… vivant est plus intelligent qu’un intellectuel mort.
Voilà le drame de l’humanité. »

« extrait de "Béru et ces dames"  San-A-hors série »

Décarrade "3" : "La chevauchée sans retour" 

« Devant moi s’étend une route plantée d’’arbres.  J’aperçois une bicyclette rangée au bord du trottoir.  Elle appartient sans doute à un soldat.  Je saute dessus et je pédale sec.  Mon démarrage surprendrait Altig soi-même.  En moins de temps qu’il n’en faut à une péripatéticienne pour se déloquer, j’ai pris deux cents mètres.  Je me retourne.  Personne n’apparaît … Je fonce à droite.  Puis à gauche, au fur et à mesure que des chemins s’offrent à moi.  Je suis ivre de liberté, ivre de joie …
Il faut que j’atteigne la ville.  Là, j’essaierai de me planquer, parce que si je tente ma chance dans la campagne environnante, leurs sacrés chiens auront vite fait de me repérer !
Et j’appuie sur les manivelles !  Et je force cramponné au guidon.  Le vélo est trop petit pour ma taille, mais qu’importe.
Je me sauverais sur une trottinette s’il le fallait.
Pourvu que ça roule, que ça me déplace, que ça m’emmène !

Le pédalier grince un peu.  C’est pour mes oreilles meurtries la plus suave des musiques.  Je fonce, la bouche ouverte comme une gargouille moyenâgeuse …  La poitrine haletante.  Bobet dans le Galibier, croyez-moi, c’est de la gnognote en comparaison. Même chez Mme Arthur on n’est pas plus fortiche sur la pédale !

Au fur et à mesure que j’entre dans la ville, la nuit se précise …
Je me trouve dans une cité populeuse et je ne suis plus seul maintenant à rouler à vélo.
Personne ne prête attention à moi … »

« extrait de "J’ai peur des mouches"  San-A-n°70 »


Jacasserie & paillardise bérurières
 

« Malgré  l’périlleux du tournoi, not’guignol dépasse pas l’quat’vingts.  On est les Anquetil à la baise, moi et Berthe, sans nous vanter.  Maint’nant, comme promis, je vais lui faire un léger solo d’violon, à la papa, façon Chtrauss, pour la remett’en condition. …
T’as qu’à faire comme si tu ferais le grand écart av’c une seul’jambe, c’est pas diff’.   …
T’veux un aut’coup de genouxe su’le coq-six ? …
Allez, je passe le grand dév’loppement.  Vas-y, gamine, y sont pas loin’  A toi d’jouer, Berthe.  Mont’nous-la, ta pointe de vitesse.  J’la sens qui s’dégage du p’loton.  Quand ell’ pédale commak, au-dessus des reins, c’est bon signe docteur. … Putain, c’te mécanique !  … Lookez son démarrage, le combien y l’est irrésistib’, doc !  La v’là partie.  Elle s’envole !  Vas-y, Berthe !  Puis, ouiiiiii ! A toi, t’es su’la ligne d’arrivée, poupoule ! …
Ell’a gagné, v’pouvez l’applaudir !  … Et c’est pas des sterlinges, tes livres, la mère. … Telle que t’voilà, t’as au moins trois foies et six reins, c’qui t’fait neuf raisons d’boire Contrex. … Yayaille : rien n’s’perd, rien n’se crève comme disais j’sais plus qui on a appris à l’école. » 

« extrait de "Fais-moi des choses"  San-A-n°91 »
 

Et encore … 

« Une belle crampe, faut s’ grouiller d’la tirer ! affirme notre chevalier de l’embrocation, mets-toi su’le plume, la Mère, commako tu pourras m’ r’garder le fond de l’œil.  J’ te conseille d’ lever les cannes.  Soutiens-te-les en t’ maintenant les jarrexes.  D’ la sorte, je te vas esplorer les zabîmes jusqu’au cul-de-sac.  Tiens, t’as eu raison d’avarier les plaisirs, trognon.  À la papa, qu’on veuille le vouloir ou pas, c’t encore l’ fin des fins de l’estase.  J’espère qu’ tu vas décarrer su’les bouchons de roue, ma Grande, à présent !  Pique-moi ta pointe de vitesse, Grosse Vacherie !  Grimpe en danseuse s’y faudra, mais initiate un peu, merde !  J’sus là à me respirer tout l’ turbin.  Je rinvente l’ mouvement universaliste av’c mon cul, à force d’à force, je vais droit au tour de rein, ma belle !  L’amour, ça s’mijote à deux, c’est pas l’matou qu’incombe tout le boulot.  Assure, bordel ! »
« extrait de "Meurs pas, on a du monde"  San-A–n°103 »

  


Quelques Bons Mots 

« Je vais te dire, l’existence, faut se la compliquer le moins possible.  L’enfourcher, pédaler à son rythme.  Voir venir …
"J’ai essayé, on peut " San-A-n°6
 
»  

« Voyez les parkings des lycées.  Vous avez tout de suite trois cents bagnoles et douze vélos.  Les bagnoles sont aux élèves et les vélos aux profs.  Ça bascule, je vous dis ! 
"Béru contre San-Antonio" San-A-n°31
 » 

« À qui cédera, à qui prendra l’initiative de la converse.  Comme les courses de poursuite dans les vélodromes : c’est celui qui démarre en premier qui a la plus mauvaise position. 
"Le casse de l’oncle Tom"  San-A-n°129
 » 

« Il en a des choucardes, le docteur Théo, avec ses coureurs qui gagnent dans l’Aubisque grâce à une angine.  Je voudrais leur recette, à ces rois de la pédale !
"San-Antonio met le paquet"  San-A-n°76 
» 

« Toi, le Gros, aboyé-je, si tu fais roue libre du côté de l’optimisme, il te reste qu’à rentrer dans ta ferme natale pour y cultiver le chrysanthème des veuves.
"Bravo, docteur Béru"  San-A-n°35 
»


"Last Jump China-toc"
 

« On l’a conduit en terre sur sa bicyclette noire parce que c’était jour de marché et que le corbillard de Pékin avait été réquisitionné pour charrier les patates douces.

Obsèques très simples.  Li Pût, ce qui dans l’argot pékinois signifie Poison d’Avril, n’avait que huit ans, mais ça lui resta gravé dans l’esprit, l’enterrement de son dabe, raide la tête sur la selle de son vélo, les pieds en flèche sur le guidon dont deux coolies postaux tenaient les manettes de frein, et un troisième, à l’arrière, se cramponnait au porte-bagages dans les descentes.

Caïn-caha
le cortège arriva au Stromboli qui faisait relâche.  On détache le pauvre Dû Cû de son vélo.  Un qui le biche par les nougats, l’autre par les brandillons.  A la une, à lala deux !  Ploum ! Inhumé ! Qu’ensuite la bécane fut attribuée à Hi Nô, son remplaçant.  Textuel.  J’invente rien ; je serais infichu, n’ayant pas d’imagination. »
« extrait de "Poison d’Avril"  San-A-n°120 »

 

Jargon cycliste 

« Quand votre vie est à un tournant, il faut savoir, comme disent les cyclistes "négocier » le virage.
"La Vieille qui marchait dans la mer"  San-A-hors
série » 

« Vous brûlez les étapes, monsieur Lesbrouf.
- C’est comme ça qu’on devient maillot jaune.

"Laissez pousser les asperges"  San-A-n°119
 » 

« Je mate mon petit camarade avec des yeux comme deux roues de vélo en train de battre le record du monde au Vigorelli.
"Si Maman me voyait"  San-A-n°115
 »

  
De larges extraits de "Vas-y, Béru !"et"L’Histoire de France" sont à consulter
dans la rubrique "Humo & Philo".  Deux ouvrages hilarants à lire absolument !


Délicatesse aristo’chienne
 

« Elle allait le coup de pédale aérien.   Sa jupette soulevée par le vent de la vitesse, découvrait ses longues cuisses musclées.  Ses lèvres charnues, retroussée par l’effort, lui composaient une expression mi amusée, mi douloureuse.
Les côtes sont plutôt rares dans la périphérie de Bruxelles ;  cependant, certaines déclivités innocentes constituaient des "coupe-pattes" qui la forçaient à se mettre en danseuse pour les escalader.
Comme elle atteignait le haut d’une petite pente, elle s’aperçut qu’un chien la suivait avec difficulté. …
- Mais je te reconnais ! s’exclama la jeune femme.  Tu es le chien de San-Antonio !
Tu pourrais tenir dans le panier à provisions de mon porte-bagages ?  …
Son installation dans la corbeille ne fut pas une mince affaire …
Lorsqu’il fut en place, elle enfourcha sa selle de cuir, opération qui captiva le basset, lequel, un instant, eut une vision charmante qui le fit saliver.
Cahin-caha, ils partirent.   La bicyclette bleue décrivit quelques embardées avant d’acquérir sa vitesse d’équilibre. 
Quand elle eut atteint la bonne allure, le danger de chute devint inexistant.  Salami oublia ses maux pour se laisser emporter par la griserie du moment.  Il faisait doux, sa compagne sentait bon.  Il s’abandonna à la félicité de la promenade jusqu’à passer un léger coup de langue dans l’entre-fesses de la pédaleuse de charme qui en gloussa de plaisir. »

« extrait de "Grimpe-la en danseuse"  San-A-n°169 »
 

(NDLR : J’invite le lecteur bien-pensant, qui considère cette tirade salace, de consulter le chapitre "un filet de sang" de "Histoire de l’œil" de Georges Bataille qui est légitimé par l’intelligentsia intellectuelle.) 
 


 

Jeu de mots 

« J’ai connu un certain M. Térieur qui a eu deux jumeaux.  Il les a appelés Alex et Alain, ça ne fait pas sérieux.  C’est comme le dénommé Dupanié qui avait prénommé son fils Hans ou comme mon copain Dondecourse que son vieux a baptisé Guy.
« Le standinge selon Bérurier.  San-A-hors série »
 

« Cela vient de ce que les gens du tout-courant se méfient des jobastres.  Ils veulent bien fréquenter des douteux, des mauvais, voire des pourris, mais ils ont une peur maladive de ceux qui roulent sur la jante, qui sont sur la poulie, qui marchent à côté de leurs pompes, qui pédalent dans la choucroute, qui patinent du bulbe, qui surchauffent de la bigouden, qui se lézardent de la matière grise, qui ont des charançons dans la boîte à idées, qui cloaquent de la pensarde, qui se désagrègent du grenier, qui ont des lobes pâteux et qui pataugent du cervelet.
« Ça baigne dans le béton.  San-A-n°135 »


Ruée batave
 

« Je fonce jusqu’à la file de bahuts stationnés devant l’hôpital.  Jette l’adresse du personnage compromis par le témoignage de mam’zelle Elsi Van Tauzensher.  Elle est brève :"Hôtel de Police !".  La Volvo s’effraye un passage à travers un flot dense de cyclistes.  Ce qui locomotionnent à deux-roues, les Pays-Bassistes !  Je veux bien que leur bled est nivelé comme un plat d’offrandes, ça n’empêche qu’ils chialent pas l’huile de genoux, les blondasses, souquant des cannes comme des galériens pour faire avancer leurs grosses bécanes noirs sur les pavetons.  Guidon à guidon, roue dans roue, ils constituent un immense et sombre peloton qui rappelle un peu le départ du Tour, au petit morninge des étapes peinardes.

Les rues d’Amsterdam défilent.  Des vitrines pimpantes, des quais romantiques, des façades dix-septième cercle, tout ça.  Et puis alors : vélos, bicyclettes, bécanes, vélos, vélos, à s’en prendre une indigestion de rayons.

Tout va très vite…  Je me jette à l’extérieur sans refermer.  Un cycliste m’emplâtre et choit.  Je le dévélote d’une bourrade, acalifourchonne sa monture et m’attaque au record de l’heure, toujours détenu par Moser, je crois ?
En deux minutes, je me trouve hors d’atteinte.
La tête en avant, les épaules enveloppant mon buste, j’actionne le pédalier comme un enragé. »

« extrait de "Chauds, les lapins"  San-A-n°125 »


Miserere d’un drôle de pénitent
 

« Moi, moi qui alors, je le confesse humblement au Seigneur mon Dieu, priais distraitement comme un coureur cycliste belge fait du home-trainer à la mauvaise saison afin de s’entretenir les mollets, voilà que j’étais pris d’une sorte de fureur fervente ou ferveur furieuse, comme il vous plaira.  J’enroulais bien mon chapelet.  Le dévidais sans presque changer de développement.  Je récitais à ma botte, sur le petit braquet.  Je priais dans une pédalée souple de l’esprit, sans à-coups, sans me mettre en danseuse.  Je ne terminais pas en trombe mes Ave Maria, comme il est fréquent de faire lorsqu’on récite un chapelet à étapes ; non plus au coude à coude comme pour les prières en commun riches en arrivées groupées.  Non, j’imposais doucement ma loi, avec une sureté facile.  Un peu, ne prenez pas au pied de la lettre ce je vais vous dire, mais un peu, oui, comme si j’avais été dopé aux amphétamines.  L’état de grâce quoi, parlons net, mon cher fils : l’état de grâce sans lequel rien de grand ne peut s’accomplir.  J’escaladais mon rosaire les mains en haut du guidon.  Je me sentais irrésistible ; vainqueur en puissance tant en ligne que contre la montre. »
« extrait de "Les con"  San-A-hors série »
 

Batifolade : "le  blaireau vadrouilleur" 

« Or, donc, on s’actionne dans un farouche unisson.  Je ne cède pas un pouce de terrain à la tendre ennemie, au contraire, je lui en ajoute un dans la soute à bagages pour faire bonne mesure.  Elle commence, doucettement, à chantonner la bramance des aboutissements.  Je la sens qui va déboucher au grand soleil de l’extase.  Tu sais : la respiration qui se rythme, devient peu à peu mélodieuse.  Le chant de la viande, quoi, ayons pas peur des images justes.  Elle déboule.  Je m’exhorte : "À toi de jouer, mon gars.  Elle est partie pour le tour de piste final, le derny peut la larguer, c’t’ à elle toute seule de jouer, maintenant.  Plus besoin d’entraîneur, elle a droit à quitter le sillage.  Faut qu’elle se rushe comme une grande sur la ligne d’arrivée.  Vas-y gamine.  Tente ta chance.  Dans la vie, on jouit seul et on meurt seul.  Tout ce qui précède, c’est de la branlette titillleuse, de la comédie sur matelas.  Au panard, même !  Le big foot.  Fonce en apothéose.  T’as le maillot jaune !  Fais pas d’erreur de développement, surtout.  Te relève pas trop vite. Enroule bien, petite.  Place ta pointe de vitesse à l’instant opportun.  Gaffe-toi pas trop rester à la corde, de ne pas te laisser enfermer.  Jouis en trombe, ma poulette.  Que tu bénéficies de retombées superbes.
Quant à pour ma part, je m’emmène au sprint également.  C’est alors que je ne pige plus.  Faut admettre aussi que quand ton sensoriel tourne à plein régime, il ne te reste pas lerschouille d’intelligence de déduction.
La petite Thérésa part en avant sur le sol.  Caoutchoutée par son spasme ?  À ce point, tu crois ?  Note que j’ai vu des mémés se faire reluire jusqu’à l’évanouissement.  Des survoltées du réchaud qui s’affalaient carbonisées par l’orgasme.  T’as bien des entraîneurs de fote-balle qui perdent connaissance lorsque leur équipe se qualifie pour la montée en first. »

« extrait de "Si Signore »  San-A-n°30 »

     
« Je ne suis pas arrogant, je sais juste faire ce qu’il faut pour gagner.  Physiquement, personne ne peut me battre »  Le Cav pour Vélonation


Métaphores
 

« Son clape remue à vide, comme quand la chaîne de ton vélo vient de sauter et que tu pédales dans les nuages.
"Concerto pour porte-jarretelles"  San-A-n°52
 »

« Les discours ressemblent aux courses cyclistes qui se gagnent souvent dans les ultimes mètres.
"Chérie, passe-moi tes microbes !"  San-A-n°69
 » 

« Son pianiste qui roupille sur son clavier universel ne s’aperçoit pas de sa disparition et continue de jouer.  Son interprétation ressemble au pas fatigué d’un cheval de corbillard grimpant le Galibier.
"San-Antonio chez les gones"  San-A-n°13
 » 

« Sa rosette rougeoie comme un catadioptre (ou cataphote, si tu préfères) de bicyclette.
"Les deux oreilles et la queue"  San-A-n°117
 » 

« Effectivement, la v’là qui démarre.  Elle a mis le grand braquet.  Elle a du mal à enrouler au début.  Mais la vitesse augmente peu à peu, tourne de plus en plus fort, et alors c’est le plongeon étourdissant sur la piste !  Le sprint échevelé, fou, superbe.
"Moi, vous me connaissez…"  San-A-n°94
 » 

« Il palpe son goitre comme on palpe un pneu de vélo que l’on gonfle.
"Sérénade pour une souris défunte"  San-A-n°3
 » 

« Achille se met à grincer comme un vélo de facteur rural dans une côte.
"Morpion Circus" San-A-n°113
 » 

« J’ai beau me trouver sur le flanc, aux lisières de la pré-agonie, une forte bouffée de convoitise m’insuffle assez d’énergie pour que je puisse remporter l’étape de l’Alpe d’Huez demain après-midi.
"Turlute gratos les jours fériés"  San-A-n°163
 »

Les sans-grades au balcon 

« C’est déjà bourré de populo dans le hall.  Tout le monde a endossé sa tenue "Grande Boucle", les coureurs, les suiveurs, les soigneurs, les admirateurs, les encourageurs, les journalistes.  La kermesse est repartie.  Les plus mal classés du classement général doivent déhotter les premiers.  Malheur aux obscurs, aux sans-grades, aux porteurs d’eau.  C’est eux qui doivent se lever tôt puisqu’ils partent déjà alors que les cracks pioncent encore.  Ils ont quelques heures de sommeil en moins, ce qui n’arrange pas leurs affaires. Je les regarde avec estime et compassion, la visière de la casquette relevée, les poches de maillot bourrées de provisions, avec leurs jambes hyper-musclées et un peu torses, leurs gants sans doigts et leur numéro épinglé dans le dos.  Ils sentent l’embrocation et déjà la sueur.  Ils me font penser à des chevaux.  Leurs énormes mollets n’ont rien d’humain.  On les regarde distraitement.  Les familiers les plaisantent, style "T’as fais installer un moteur deux temps sur ta brouette, Lulu, pour éviter la disqualification ?". 
Personne ne leur demande d’autographe, sinon le type qui tient le registre de contrôle.  Ils sont là pour faire le nombre et de servir de repoussoirs aux champions.  Parfois, l’un d’eux tente dans une étape morne l’échappée solitaire qui sortira un instant son nom de l’ombre.  C’est ça : la chance des passeurs de roue, des haleurs de champions en méforme, des sacrifiés de la route.  Mais cette gloire d’un jour est oubliée le lendemain.  Il est retourné grossir le gros du troupeau anonyme et le regard fixé sur la route galopante, le dos voûté, avec sa visière sur la nuque et sa bouche écumante, il passe sous des bravos qui ne sont pas pour lui ! »

« extrait de "Vas-y, Béru" San-A-n°23 »


Hu(mœurs) bruxelloises
 

 

Valse Zwanze * : "Mise en train" 

« Toujours un grand bonheur de retrouver Bruxelles.  Une autre façon d’être français, je dis.  Juste assez dépaysant pour qu’on ait le sentiment de l’étranger.  Un poil folklo : la bière, les frites, le style flamand ; sinon on sait qu’il n’y aura jamais de guerre franco-belge, que nos deux pays sont liés pour toujours avec cette légère pointe de raillerie qui attisent les amitiés vraies. »
« "Turlute gratos les jours fériés"  San—A-n°163
 » 

« L’Amigo est un établissement de haut standinge, ayant ma préférence à tous les autres hôtels de Bénéluxie et de Navarre. »
« "Une banane dans l’oreille"  San-A-n°94 »

 Ndlr.  Pour un Bruxellois, passer une nuit à l’Amigo signifie coucher en taule !!! 

« Faut dire que, ce soir, y a projection exceptionnelle, le jury visionne une super-production hollywoodienne intitulée "Fume, c’est du belge", histoire d’un agent secret pygmée qui, traqué dans Bruxelles, prend la place du "Manneken-Pis" pour échapper aux polices secrètes qui le cernent.  Seulement, il souffre de la prostate, d’où raréfaction du débit. La municipalité envoie le plombier … La suite sur l’écran !  Une grande œuvre dans l’histoire du septième art, affirment les affiches. »
« "Y’a de l’action"  San-A-n°64
 » 

 *   En bargoens (bruxellois pur jus) " valse zwanze", c’est de la gouaille qui sonne faux.

 

Valse Zwanze : "Ouverture" 

« Vous êtes une grande amoureuse, n’est-ce pas ? lancé-je à voix de velours.
Je suis belge ! répond-elle.
Pas de pléonasme entre nous, madame.  Je suis-moi-même un grand ami de la chère voisine d’Outre-Quiévrain.  Je sais par cœur les paroles de la Brabançonne, je pourrais réciter à un concours de Pierre Bellemare au moins douze variétés de bière belge, j’ai garé ma voiture au dernier étage sis près de fabuleuse Grand-Place (à-coup sûr la plus belle du monde) et le dernier étage de ce garage, Madame, c’est comme qui dirait les Alpes bruxelloises.  Ma mère m’a élevé dans le culte d’Albert Ier.  J’ai le portrait de la reine Fabiola dans ma chambre.  Et comme vous l’entendez, je parle wallon couramment.  Ma belgophilie est doc certaine, elle est totale, indivisible.  Vive la Belgique !

En somme, elle me fait, cela signifie « sois belge et tais-toi ? »

« extrait de "J’ai essayé, on peut"  San-A-n°6 »
 

Mais encore … 

« Elle est belge comme le jour, au contraire.  La chouette luronne du plat pays qui est le sien et çui de Brel.  Une gentille foncière, jointe à une naïveté quasi congénitale, accompagnée d’une connerie en contre-point.  Elle lit les bande dessinées d’amour, va voir les films où ça baisouille et mange des frites à son petit-déjeuner.  Elle aime son boulot, la grosse bibite bien joufflue et les fanfreluches. »
« extrait de "Une banane dans l’oreille"  San-A-n°75 »

 

 

Aphorismes   

«  Vous savez ce que c’est de ne rien faire ?  C’est faire un tas de choses.
"Fais pas dans le porno…"  San-A-n°127
 »  

« La vie est l’apprentissage de la mort.  "Je le Jure" F. Dard » 

« La récompense implique l’injustice"Ça ne s’invente pas"  San-A-n°1 » 

« La distance, c’’est jamais des kilomètres, mais des idées.
  "Bouge ton pied que je voie la mer"  San-A-n°109 
» 

« L’homme n’a vraiment su créer qu’une chose qui soit éternelle : ses ordures !
"Valsez, pouffiasses !" San-A-n°141
» 

« Les hommes aiment mieux absorber ce qui joli plutôt que ce qui est bon !
"Un éléphant, ça trompe"  San-A-n°38 
» 

« L’amour des mots entraîne aux contre-vérités.
"Fais pas dans le porno… !"  San-A-n°127
 »  

« Dans les pays où les gens s’emmerdent, le vice devient ministre des loisirs.
"Foiridon à Morbac City" San-A-n°156
 » 

« La vie n’est faite que de moindres maux constamment négociés.
"Le Mari de Léon"  San-A-hors série
 » 

« La paresse est la meilleure façon de se reposer avant d’être fatigué.
"Ne soldez pas grand-mère, elle brosse encore" San-A-n°170
 »


Valse Zwanze : " Suite n°1 – con piacere"
 

« Je ne reconnais plus aucun autre art.  Et encore s’agit de s’entendre.
L’unique authentique, le fabuleusement certain, c’est Magritte.  Lui, oui.  Lui, tout !
Un jour, je te raconterai Magritte … » 

 "J’ai essayé, on peut."  San-A-n°6 »

 

Ce n’est pas tout … 

« Magritte a été l’un des événements de ma vie intellectuelle.  Je l’ai découvert, comme on découvre un philosophe.  Magritte, je suis sûr de garder toujours l’émerveillement que j’ai eu devant le surréalisme.  René comme Sartre, a infléchi ma façon de penser.  Il a eu presque autant d’impact sur moi que Céline.

Il est assez surprenant de ma part que j’ai eu envie d’approcher ces deux morts :  Magritte et Gnoli.  Je suis allé à Bruxelles, et je suis allé à Rome voir la mère de Gnoli qui est une femme sublime. »

" Je le Jure.  F. Dard "

Et, il remet ça quand il évoque le bon copain de René. 

« "Une fois mort, on se nourrit de soi-même", comme le dit mon cher Scutenaire, qui aura fait davantage pour la Belgique que le roi Boudin et Eddy Mec réunis.  Et il dit encore, ce cher vieux génie belge : "L’âge use la laideur, comme il use la beauté ;"  …
C’est à lui que je pense.  À lui, le grand sage de la bienveillance féroce qui règne sur Bruxelles, et les Bruxellois l’ignorent.  La meilleure histoire belge, je vais te la dire, c’est la plus terrifiante de toutes : "Il est une fois Scutenaire et les Belges n’en savent rien."  Et les Français, non plus.  On est juste une poignée avec Isy Brachot qui fait l’essentiel puisqu’il le publie.
Il dit tout, mais par brèves giclées, Scut.  Il sait la vie, la mort, l’avant, l’après, …, le surréalisme, les frites, les cons …et la façon dont chez lui, il doit éteindre au rez-de-chaussée avant d’éclairer au premier pour ne pas faire sauter le compteur électrique. »

« extrait de "Poison d’avril"  San-A-n°120 »  


 

Valse Zwanze : "Suite n°2 - senza tempo " 

« Les membres de l’assistance étaient en smoking ou robe de soirée.  Les lustres du château de Laeken brillaient de toutes leurs loupiotes.  L’orchestre de chambre de Bruxelles, dirigé par Hubert van Tripotan, jouait l’introduction de "Si ton chat perd ses poils, arrête le vélo", cette œuvre remarquable magistrale de Wolgang Amadeus Koluch (né à Kronenbourg).  Lorsqu’il eut achevé son interprétation, l’orchestre salua du cul et de la tête et quitta l’estrade drapée de velours aux couleurs de la chère Belgique, si glorieuse que tout le monde chez nous, connaît l’Histoire belge(et même en connaît plusieurs).

Un huissier enchaîné testa l’appareil. … Il murmura, avec un délicieux accent flamand : "Zidor fait une grosse bise à Lolotte, une foué !"
Ça marchait.  L’homme se ramona la gorge, et l’on crut que le château s’effondrait.  Ensuite il déclama :
Mesdames, messieurs, Sa Majesté le roi, vous cause !
Une salve d’applaudissements retentit et le bon monarque se hissa sur le podium.  Il portait un grand uniforme de glandeur-major à boutons dorés et épaulettes d’astrakan rouge.  Il était nu-tête, ce qui diminuait sa ressemblance frappante avec une tête de nœud triste à lunettes.  Le souverain belge est un homme très bien, sérieux sous tous les rapports (y compris sexuels), qui aurait fait un excellent expert-comptable si la fatalité ne l’avait placé sur le trône.  On devine cet homme triste de n’avoir pas d’enfants ; peut-être sont-ce les causes de l’infécondité de son couple royal qui le turlupinent car sa chère épouse (qui n’a rien d’un saute-au-paf, j’en conviens) est peut-être moins stérile que le bruit n’en court.  Qui peut affirmer que leur mariage n’est pas demeuré blanc comme au jour de sa célébration ?  S’il est un homme dont on peut penser qu’il baise en play-back, c’est bien ce grand mec à frime de veuf constipé, dont les enfants se drogueraient ou seraient en prison.
Il se tenait plus raide que la tige du micro les mâchoires crispées, le nez en bec d’aigle, les lunettes mal réveillées.

Mais le roi des Belges prenait la parole.

Il marque un temps d’arrêt.  Sa voix a fléchi, ses yeux se vident.
Un léger tic l’amène à hocher la tête. … Il se mouille les lèvres s’une langue dont il ne s’est servi jusqu’à ce jour que pour humecter les timbres-poste. … »

« extrait de "Après vous s’il en reste, Monsieur le Président !"  San-A-n°124 »


Roman poilant comprenant
une scène chez un vélociste
&
la prise en otage d’une famille belge

 

Enfin,
          une série de réflexions

 

« Le mignon Baby Doll lui va comme un abat-jour à une bicyclette.
"La vérité en salade"  San-A-n°8
 » 

« Le museau enfoui dans les roberts de la chérie, je la termine en danseuse, me détache au sprint, fonce vers la ligne d’arrivée que je franchis en tête (de nœud).
"Valsez, pouffiasses"  San-A-n°141
 » 

« L’homme est fait pour rire comme Anquetil et Charpini pour pédaler.
"Prenez-en de la graine"  San-A-n°33
 » 

« Je clape comme bouffe un clébard affamé, la tête dans le guidon, l’avant-bras qui tient la fourchette porte sur le bord de la table, contrairement aux bienséances les plus alimentaires.
"Papa, achète-moi une pute"  San-A-n° 139
 » 

« Miguel a le regard en guidon de course.
"Le hareng perd ses plumes"  San-A-n°149
 »  

« …il se rendort tandis qu’une autre bosse se développe à toute allure, comme une hernie sur une vieille chambre à air.
"Les souris ont la peau tendre"  San-A-n°44
 »
 

Et quelques "Pensées de San-Antonio" (Dico-Citations) 

« Tout n’est pas cirrhose dans la vie, comme dit l’alcoolique. » 

« Ah ! si les hommes voulaient s’aider.  Ah ! si les femmes voulaient céder ! » 

« Un politicien ne peut faire carrière sans mémoire, car il doit se souvenir de toutes les promesse qu’il lui faut oublier. » 

« Mon Dieu, que votre volonté soit fête ! » 

« Dieu a fait le monde en cinq jours.  Ensuite il a fait le con. »
 

Quant au mot de la fin, il va de soi que je le cède à qui vous savez … Moi, tu me connais ?  "Une âme de fer dans un corps sain ; une main de velours dans un corsage" qui affirmait haut et fort : "Chose paradoxale, c’est avec les gens intelligents qu’on déconne le plus".   T’en pense quoi, toi, de cette dernière citation ?
T’en a rien à cirer !  D’accord !  À chacun son cinéma !
Moi, je préfère sombrer dans les bras de Morflé en planchant sur un bon San-A que de repasser en boucle les versets sataniques !  À chacun son truc !


LEXIQUE
 

L’imposant peloton san-antonien couvre 75 années d’histoire du Tour de France.  La Grande Boucle est omniprésente dans l’ensemble de son œuvre littéraire.
Aussi les permanents clins d’œil que l’auteur adresse aux forçats de la route sont-ils la preuve de l’admiration et de l’énorme respect qu’il éprouvait pour ces derniers. 

Par ordre alphabétique 

Coureurs 

Altig Rudy, (rebaptisé Rudy Manther dit Beauboche
Anquetil Jacques, (rebaptisé Anguenille)                  cité 16x

Archambaud Maurice,
Bahamontès Frederico,
Bartali Gino,

Bicco Aisuzi, champion d’Italie, coureur fictif       

Bobet Louison,                                                         cité   5x
Chapatte Robert, (rebaptisé Cassepatte)
Coppi Fausto,
Darrigade André, (rebaptisé Barricade

Di Paco, coureur italien fictif  

Fignon Laurent,

Gaul Charly, (rebaptisé Charly Gaulle)

Geminiani Raphaël, (rebaptisé Gem et Michel-Ange Gémi)

Giro Alonzo (dit Petit Condor Pyrénéen
), coureur fictif ou sosie de
Bahamontès ?

Graczyk Jean, (rebaptisé Krokzy))
Hinault Bernard, (rebaptisé Hi Nô)                            cité   8x
Indurain Miguel, (le Gérant du Tour)

Klinique Yanik, coureur breton fictif

Kubler Ferdi,
Lapébie Roger, 

Le Doux-Mec Jules, coureur pédéraste fictif

Leducq André,
Nencini Gastone,

Nokle Abbee, coureur anglais fictif

Magne Antonin, 
Merckx Eddy, (rebaptisé Merdsk, Mercx, Eddy Mec) cité  6x
Pélissier Henri,
Petit-Breton Lucien,

Petzec Adolf, coureur tchécoslovaque fictif
Pini Richard, maillot jaune fictif

Poulidor Raymond, (rebaptisé PoupouCourzidorMao jaune Pou-li-dhôr)      cité  7x
Robic Jean,
Speicher Georges,
Stablinsky Jean (rebaptisé Stable-Enski)

Van Danléwoëles Aloïs, coureur belge fictif

Van Est Wim, (rebaptisé Van d’ouest)
Van Looy Rik, (rebaptisé Tik Danlœil), le Compatriote de Brel ou le coureur des Dunes                                                              

Van Tardyse, coureur hollandais fictif
 
 

Suiveurs 

Blondin Antoine, écrivain et chroniqueur
Brocation Hans, masseur suisse fictif du Tour de France

Chapatte R. (Cassepatte), reporter
Goddet Jacques (rebaptisé Godemuche), directeur du Tour de France
Horner Yvette (rebaptisée Zézétte Bordemer), accordéoniste

Ménhunraillon Jean, directeur sportif fictif du Tour de France
 
 

Lieux mythiques 

L’Alpe d’Huez
Col de l’Aubisque
Col de la Faucille
Col du Galibier          cité 6x
Col du Tourmalet
Mont Ventoux           cité 7x



 

Patro (pas trop) & toponymie bruxelloise santoniaise 

Buton-Debraghette, chef de la Sureté à Bruxelles
Si-mais-Non Georges, écrivain
Van Danlesvoyl Léopold, industriel
Van Desmouhle, professeur d’ornithologie
Van Tozansher, directeur de police
Van Trichül Leocadia, baronne
Van Triloock Mme, loueuse de meublés
Van Tripotan Hubert, chef d’orchestre de chambre
Leurs Majestés Duboudin-Babiola 

Place Anvers-Hécontrethoux
Rue des Bonzamerlock
Chemin de l’Eufalacock
Chaussée de Ouatère-l’eau
Chaussée Pudubeck
 

Liens externes

http://www.toutdard.fr/sites-damis/
http://francois.kersulec.free.fr/FK/SA/HTML/liens.php

 

Hiver 2017  

         

 
 

 

bruffaertsjo@skynet.be