José Bruffaerts       Ecrivain Public

 

 

Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux ?

 
 

 

Samedi dernier, je suis allé faire des kilomètres.  Comme d’habitude.  Chemin cyclant, il m’est venu une réflexion qui nous interpelle tous.  Nous,  les mordus de la petite reine.
A l’heure actuelle, nos vélos sont très souvent équipés d’un compteur kilométrique qui fournit après chaque randonnée une foule de données : trajet total, vitesse maximale, vitesse moyenne, en veux-tu en voilà.
 

Au bout de quelques années, il est donc légitime que le cyclo annonce à son entourage avec une fierté non dissimulée que le kilométrage total parcouru atteint un, voire plusieurs tours de la terre.  C’est du réchauffé, ça !  Tout le monde le sait ! Toutefois !

Additionner des distances n’est pas suffisant.  Absolument pas.  Il ne faut rien oublier de ce qui justement les a empêchées d’être seulement des distances, de ce qui les a rendues vivantes, à chaque kilomètre, à chaque virage.  Aussi faut-il tout noter !  Noter la balade entre amis !  Noter les crevaisons, les coups de pompe, les incidents, les accidents !  Noter le jours avec et sans pluie !  Le petit café dans la cuisine de l’organisateur après le brevet : à noter !  Une cocasserie, une rencontre insolite : à noter !  Un couple de chevreuils qui vous barre inopinément le chemin : à noter !  Le faux frère qui vous roule au sommet d’un col : ça faut le marquer noir sur blanc !  Une tempête dans un verre d’eau à propos de billevesées telles que pour ou contre les boyaux, avec ou sans garde-boues, VTT ou randonneuse, etc. et qui se termine invariablement autour d’un pot au bistrot : faut aussi l’inscrire !  Un brevet, une randonnée, un voyage itinérant : faut l’écrire, le décrire, le développer !  Ces parties de manivelle, chargées d’annotations, n’ont que de bons côtés. Ainsi, ces bribes de souvenirs mises bout à bout peuvent donner naissance à une chronique captivante.  En plus,  stocker une foule d’anecdotes donne à son auteur l’envie de revivre une nouvelle fois une randonnée dans le menu des détails.  En outre, en couchant sur papier ces précieuses données, il fait sa bonne action puisqu’il partage son patrimoine, un bonheur indivisible avec ses compagnons de route. 

Aïe ! Je vous vois venir !  Il en est plus d’un qui me rétorquera que noircir du papier n’est pas un exercice donné à tout le monde. Errare hum….C’est en chroniquant que l’on devient chroniqueur.  C’est aussi du réchauffé, ça !  Alors !  Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux ?  Un refrain rabâché depuis des lunes !  Alors, qu’est-ce que vous attendez.

         


Hiver 1998

 

bruffaertsjo@skynet.be

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