José Bruffaerts       Ecrivain Public

 

     
 

 


 
Les Tribulations d’un soekeleir de la pédale


 

A l’exception de quelques rares initiés, le col de Lachaud, situé au sud de Dieulefit, une petite ville de Haute Provence,  est peu connu.  Il n’est certainement pas le must que tout cyclo rêve d’épingler à son tableau de chasse.  Pour cause, il ne s’agit ni plus ni moins que d’un sentier muletier qui permet le passage entre les montagnes de La Lance et de l’Autuche dans le département de la Drôme.

Aussi pour une fois m’en vais-je vous conter cette première en « bargoensj » qui est la langue officielle de notre « Manneken Pis », le premier citoyen de Bruxelles.

«  Alors voilà !  Joske Petrol est un pei comme un building.  Aussi, comme tout bon brusseleir qui se respecte, Joske sait tout, il a tout fait et il a tout vu.  Enfin presque !  Comme ça, ça lui permet d’ouvrir son parapleu pour contrer les ruses de ceusses qui ne font pas partie de ses grands copains.  N’empêche, ce qui est vrai, doit être dit, newo !  Et, de fait, Joske a gravi les cols les plus hauts de France.  Il a même déjà traversé le plateau des Frettes en Haute Savoie poussant son vélo chargé comme un mulet.  Et comme il savait plus de chemin avec, ei è zain kas opgefret.  Tu penses bien que me connaissant, je n’allais pas passer à côté de tels karamelleverzen.  Pour faciliter votre comprenure, des karamelleverzen,  ça est  des vers de mirliton. Je continue !

Avec son bijauke, il a franchi des névés à plus de 2500m d’altitude.  Il a même défié les lois de la gravité en faisant un vol plané dans un ravin.  Question d’aller voir de près les esculapes italiens à l’œuvre !

Mo, trêve de zieverage !  Venons-en au fait.
Après avoir passé au peigne fin tous les cols de la région, notre Joske profite de ce que son compagnon se repose pour se taper kekchose d’aut’.  Aut’chose où le premier venu ne met pas les pieds.  Mo rien que pour le plaisir, newo !  En ga geluuf da ! Moi pas, pasqu’il est un petit cachotier et qu’il veut simplement ajouter un col de plus à sa collection des 100 cols.  Ara, comme ça vous savez tout !

Alors voilà, pour se mettre en jambes, il refait le col de Valouse, un colleke de derrière le coin qu’il a déjà fait deux jours plus tôt.

Noe datte, à Teyssières, il délaise la route principale pour une strotche qui aboutit dans la courette de 3 maisons séculaires. 

-          Vous voyez que quand je veux, moi ôssi je sais causer françois.  En datte in a kas !  Eie me vast ! 

Mais dans mon koteer, on appelle ça des kott, tsé !
Une meike,  qui n’a pas l’air d’une sluur et dont le visage est aussi noir qu’un bamboula dans un tunnel, accueille Joske et lui donne de l’eau.  Il en est tout gestomaké, lui qui s’est déjà fait traiter de macaque par des bons belches pasqu’il est ôssi un zwette deuvel.  Il est vrai que comparé à la uffra, le pôvre à l’air d’un platte kès. 

-          Och germe toch !  Ça me fait tout choseke pour lui. 

Nè, voilà qu’ils se mettent à causer mènant.  Joske, qui ne comprend pas tout de son parlement, retient malgré tout que c’est pour faire de l’ombre qu’elle a pendu une grosse pierre à la branche d’un frêne.
Mo encore une fois, trêve de zieverage.  Où est ce col Lachaud, mènant ?  Sur la carte Michelin, il ne reste plus qu’un trait interrompu en pointillé.  La treene lui indique le chemin.

-          « Ici droit devant, ensuite vous longez un champ de lavande et vous suivez le chemin sur votre gauche.  Attention, vous n’êtes pas encore arrivé ! » 

Au début, une piste défoncée relativement plate permet à Joske de rester en selle.  Pas pour longtemps toutefois, le sentier se redresse au point où il se retrouve piéton.  Ça, c’est tout sauf le pied !

Pour sa malchance, l’état du chemin et  la pente se dégradent et redressent du col au fil du temps.  Mo Joske, qui n’est pas un labbekak et qui ne veut pas pendre l’enfant dehors, poursuit comme un dieu son chemin de croix.  Ja watte !  S’il avait dû organiser un truc pareil dans son koteer, on l’aurait enfermé directo à Titeca.  Je vous dit que cela.

Potferdoeme ! En attendant, ça grimpe toujours.  Mo, le plus pire, c’est qu’il fait doef à crever.  Les bichkes se sont fait la malle, même les strontvlege ont la flemme.  Il faut vraiment être une fois un ket de Bruxelles pour faire le jacques à une heure pareille dans un tel verlaure gat.  Enfin, comme qui dit l’aut’ :  « Quand t’as un dikkenek, il faut faire avec ». 

Aïe, Aïe, zoeg pas, y a une fin à tout.  Et Joske finit par atteindre le sommet du col qui est  ‘n iette koeme plein de boemekes qui empêchent de zieuter le paysage.  Il s’oxygène les poumons et doit faire demi-tour pasque le temps ne lui permet pas d’aller droit devant. 

Et mènant, le plus comble de l’affaire ! 

Un cyclo qui grimpe une côte à pied, ça n’est pas briljant.  Mo quand le même jobard redescend cette même cortelette, toujours à pied avec les freins serrés à bloc et le trouillomètre à zéro, ça il faut l’avoir vécu pour le croire.  Ne plus savoir de chemin avec son vélo dans une descente, ça c’est fort de café, newo !  Et je vous jure de dire la vérité, rien que la vérité, toute la vérité.  Croix de bois, croix de fer, si je mens je vais en enfer !  Ça, ça n’est pas du « bargoensj » mais constatez une fois que mes karamelleverzen sont aussi excellents en franskiljon!  Newo !
Enfin ! Tant bien que mal, Joske parvient à regagner le hameau.  La mistanflut est assise mènant au bord de la route et garde un troupeau de chèvres.  Notre cyclo la salue poliment  sur son passage.  Comme la nuit va tomber, ce n’est plus le moment de faire des flouskes et il prend ses jambes à son cou  et se laisse glisser dans la vallée. 

Entre nous, notre slumme cadei est un kluut major.  Il aurait mieux fait de consulter son guide Chauvot, la bible du cyclogrimpeur, avant de se lancer dans cette galère .  Tout ce qu’il mérite n’est rien d’aut’ qu’une spiekmadoile.  Et puis foert, il n’a qu’à peler un œuf avec son lui-même mènant. 

Sur ce, je range ma zwanze dans mon buffet et vous crie bien haut « salut en de kost ».

     
 

Autres fantaisies

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