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Les
Tribulations d’un soekeleir de la pédale
A l’exception de quelques rares initiés, le col de Lachaud,
situé au sud de Dieulefit, une petite ville de Haute
Provence, est peu connu. Il n’est certainement pas le must
que tout cyclo rêve d’épingler à son tableau de chasse.
Pour cause, il ne s’agit ni plus ni moins que d’un sentier
muletier qui permet le passage entre les montagnes de La
Lance et de l’Autuche dans le département de la Drôme.
Aussi pour une fois m’en vais-je vous conter cette première
en « bargoensj » qui est la langue officielle de notre « Manneken
Pis », le premier citoyen de Bruxelles.
« Alors voilà ! Joske Petrol est un pei comme un
building. Aussi, comme tout bon brusseleir qui se respecte,
Joske sait tout, il a tout fait et il a tout vu. Enfin
presque ! Comme ça, ça lui permet d’ouvrir son parapleu
pour contrer les ruses de ceusses qui ne font pas partie de
ses grands copains. N’empêche, ce qui est vrai, doit être
dit, newo ! Et, de fait, Joske a gravi les cols les plus
hauts de France. Il a même déjà traversé le plateau des
Frettes en Haute Savoie poussant son vélo chargé comme un
mulet. Et comme il savait plus de chemin avec, ei è zain
kas opgefret. Tu penses bien que me connaissant, je
n’allais pas passer à côté de tels karamelleverzen. Pour
faciliter votre comprenure, des karamelleverzen, ça est
des vers de mirliton. Je continue !
Avec son bijauke, il a franchi des névés à plus de 2500m
d’altitude. Il a même défié les lois de la gravité en
faisant un vol plané dans un ravin. Question d’aller voir
de près les esculapes italiens à l’œuvre !
Mo, trêve de zieverage ! Venons-en au fait.
Après avoir passé au peigne fin tous les cols de la région,
notre Joske profite de ce que son compagnon se repose pour
se taper kekchose d’aut’. Aut’chose où le premier venu ne
met pas les pieds. Mo rien que pour le plaisir, newo ! En
ga geluuf da ! Moi pas, pasqu’il est un petit cachotier et
qu’il veut simplement ajouter un col de plus à sa collection
des 100 cols. Ara, comme ça vous savez tout !
Alors voilà, pour se mettre en jambes, il refait le col de
Valouse, un colleke de derrière le coin qu’il a déjà fait
deux jours plus tôt.
Noe datte, à Teyssières, il délaise la route principale pour
une strotche qui aboutit dans la courette de 3 maisons
séculaires.
-
Vous voyez que quand je veux, moi ôssi je sais causer
françois.
En datte in a kas ! Eie me vast !
Mais dans mon koteer, on appelle ça des kott, tsé !
Une meike, qui n’a pas l’air d’une sluur et dont le visage
est aussi noir qu’un bamboula dans un tunnel, accueille
Joske et lui donne de l’eau. Il en est tout gestomaké, lui
qui s’est déjà fait traiter de macaque par des bons belches
pasqu’il est ôssi un zwette deuvel. Il est vrai que comparé
à la uffra, le pôvre à l’air d’un platte kès.
-
Och germe toch !
Ça me fait tout choseke pour lui.
Nè, voilà qu’ils se mettent à causer mènant. Joske, qui ne
comprend pas tout de son parlement, retient malgré tout que
c’est pour faire de l’ombre qu’elle a pendu une grosse
pierre à la branche d’un frêne.
Mo encore une fois, trêve de zieverage. Où est ce col
Lachaud, mènant ? Sur la carte Michelin, il ne reste plus
qu’un trait interrompu en pointillé. La treene lui indique
le chemin.
-
« Ici droit devant, ensuite vous longez un champ de lavande
et vous suivez le chemin sur votre gauche. Attention, vous
n’êtes pas encore arrivé ! »
Au début, une piste défoncée relativement plate permet à
Joske de rester en selle. Pas pour longtemps toutefois, le
sentier se redresse au point où il se retrouve piéton. Ça,
c’est tout sauf le pied !
Pour sa malchance, l’état du chemin et la pente se
dégradent et redressent du col au fil du temps. Mo Joske,
qui n’est pas un labbekak et qui ne veut pas pendre l’enfant
dehors, poursuit comme un dieu son chemin de croix. Ja
watte ! S’il avait dû organiser un truc pareil dans son
koteer, on l’aurait enfermé directo à Titeca. Je vous dit
que cela.
Potferdoeme ! En attendant, ça grimpe toujours. Mo, le plus
pire, c’est qu’il fait doef à crever. Les bichkes se sont
fait la malle, même les strontvlege ont la flemme. Il faut
vraiment être une fois un ket de Bruxelles pour faire le
jacques à une heure pareille dans un tel verlaure gat.
Enfin, comme qui dit l’aut’ : « Quand t’as un dikkenek, il
faut faire avec ».
Aïe, Aïe, zoeg pas, y a une fin à tout. Et Joske finit par
atteindre le sommet du col qui est ‘n iette koeme plein de
boemekes qui empêchent de zieuter le paysage. Il s’oxygène
les poumons et doit faire demi-tour pasque le temps ne lui
permet pas d’aller droit devant.
Et mènant, le plus comble de l’affaire !
Un cyclo qui grimpe une côte à pied, ça n’est pas briljant.
Mo quand le même jobard redescend cette même cortelette,
toujours à pied avec les freins serrés à bloc et le
trouillomètre à zéro, ça il faut l’avoir vécu pour le
croire. Ne plus savoir de chemin avec son vélo dans une
descente, ça c’est fort de café, newo ! Et je vous jure de
dire la vérité, rien que la vérité, toute la vérité. Croix
de bois, croix de fer, si je mens je vais en enfer ! Ça, ça
n’est pas du « bargoensj » mais constatez une fois que mes
karamelleverzen sont aussi excellents en franskiljon! Newo !
Enfin ! Tant bien que mal, Joske parvient à regagner le
hameau. La mistanflut est assise mènant au bord de la route
et garde un troupeau de chèvres. Notre cyclo la salue
poliment sur son passage. Comme la nuit va tomber, ce
n’est plus le moment de faire des flouskes et il prend ses
jambes à son cou et se laisse glisser dans la vallée.
Entre nous, notre slumme cadei est un kluut major. Il
aurait mieux fait de consulter son guide Chauvot, la bible
du cyclogrimpeur, avant de se lancer dans cette galère .
Tout ce qu’il mérite n’est rien d’aut’ qu’une spiekmadoile.
Et puis foert, il n’a qu’à peler un œuf avec son lui-même
mènant.
Sur ce, je range ma zwanze dans mon buffet et vous crie bien
haut « salut en de kost ».

bruffaertsjo@skynet.be
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