José Bruffaerts       Ecrivain Public

 

     
 

 
CLICHES DE BRETAGNE

Eté 96.

        Destination : le plateau d'Armorique. Après la périlleuse pelle de l'année précédente, la Bretagne se prêtait comme cadre idéal pour jauger mes aptitudes physiques sur un relief modérément accidenté.
Le premier coup de cœur, je le réserve sans hésiter au Mont Dol. C'est une taupinière de 65m de haut, située à proximité de Dol-de-Bretagne. Le Mont Dol plane largement au hit-parade de mes souvenirs bretons en dépit de la courte montée accusant quand même un dénivelé de 16%. Comportant une épingle à cheveux, il est à gravir en toute humilité. De préférence sans sacs ni bagages. Le raidillon est à classer parmi les côtes à piétons.


 

Fin de semaine sous un soleil éclatant. Vaste aire de délassement, le sommet est un endroit parfait pour y exercer une multitude d’activités en toute décontraction. Ce message a été reçu 5 sur 5 par les Bretons car toute l'humanité y est représentée. Des boulistes se chamaillent gentiment ; un artiste peintre saisit la lumière et reproduit la vierge de la tour plus vraie que nature ; des flâneurs se prélassent dans l’herbe tendre. Il en est même qui piquent un roupillon à l’ombre d’un arbre séculaire. Un peu plus loin, des vacanciers visitent le vieux moulin. D'autres préfèrent faire le plein d'images panoramiques. Des prosélytes de la foi défilent dans la petite chapelle. Dominique, qui n'en a rien à cirer des bondieuseries, fait l'impasse sur cette visite. Comme d'habitude, son faible pour l'odeur de la cigarette prend le dessus de celui de l'encens. Pour ma part, une courte visite au lieu consacré ne peut pas me faire du tort. Autre particularité du Mont Dol. De là, même sous la brume, on devine le Mont St Michel qui se profile à l'horizon pour autant qu'on ne soit pas atteint de myopie. En un mot, ce monticule dégage une atmosphère de quiétude et une douceur de vivre équivalentes à " La Colline Inspirée" du pays saintois en Lorraine.

Mont Dol : le vieux moulin

Mont Dol : la tour

Dans la foulée, à quelques kilomètres de là, la ville de Dinan emporte la palme dans un tout autre registre. Cette ravissante cité médiévale est un joyau animé, digne d'être classé comme patrimoine de l'UNESCO. Le passé vous surprend à tous les coins de rue. La rue de l'Horloge, la place des Merciers, le couvent des Cordeliers, les maisons à encorbellement et les boutiques à pans en bois sculpté sont quelques merveilles de l'architecture qui enthousiasment le touriste le plus réfractaire. Ceinturée de remparts, elle est bâtie sur une colline dominant la rivière de la Rance où mouillent de nombreux bateaux dans le petit port de plaisance, au pied du viaduc. Endroit pittoresque où nous avons cassé une petite croûte. Mon coup de cœur va néanmoins à la porte de Jerzual et à sa rue pavée pentue qui regorge d'échoppes d'artisans qui remettent certains métiers d'antan à l'honneur tels que les tisserands, les ébénistes, etc. Cette ruelle, qui descend du centre-ville vers le port, fait la fête aux fleurs. La maison de l’ancien gouverneur est celle qui attire le plus de regards. C'est avec une certaine pointe au cœur qu'il nous a fallu prendre le large pour notre gîte d'étape à Trévron. Par la voie terrestre "of course".

Dinan : un joyau médiéval

Dinan : les remparts

Les objectifs suivants sont l'ancienne place forte de Moncontour et le cap Fréhel, situés de part et d'autre de Lamballe. Le cap Fréhel domine de 70 mètres les vagues qui battent ses falaises mais comme la brume était au rendez-vous, nous avons pris nos cliques et nos claques pour les Sables d'Or-les-Pins où une volée de cuistax rappela notre chère "Costa Belga" à notre bon souvenir. Quant à Moncontour, c'est une grimpette qui joint une tranche d’histoire à l’agréable. En effet ! Dès la porte de la ville basse, l’ascension se faufile par les pittoresques ruelles de la petite cité. Cité de caractère qui l'a prouvé au cours des siècles puisque la plate-forme fortifiée au sommet a probablement été démantelée sur ordre de Richelieu. Cette grimpette, même si elle n’est pas à classer parmi les épouvantails comme les murs de Huy, de Grammont ou de Bretagne, en n’est pas moins une ascension remarquable.

Au suivant ! Pourquoi pas justement le Mur-de-Bretagne qui est le type même de raidillon apprécié par les cyclo-côteurs et autres chasseurs de cols ! Moins pentu que le mur de Wanne (versant Stavelot) avec lequel il présente une certaine analogie, sa réputation il la doit simplement parce qu'il se trouve sur l'itinéraire de P-B-P. L'étymologie du "Mur" provient du breton "meur" qui signifie haut. Donc, le raidillon n'est pas à sous-estimer. Toutefois l'intérêt de Mur-en-Bretagne réside du fait qu'il juxtapose la magnifique Forêt de Quénécan que nous avons quadrillé et qui nous a procuré la satisfaction de pédaler dans un bain de verdure, loin du tumulte et de tout stress.
 

Montagne Saint-Michel (380m) : ce mamelon de grès est le meilleur observatoire sur les monts d'Arrée.

Tuchenn Gador : la route serpente vers le Roc Trévezel

Quand on évoque Paris-Brest-Paris, c'est le célèbre Roc Trévezel qui- vient aussitôt à l'idée. Ultime obstacle avant le littoral, prétend-on ! Pour ma part, le point culminant des hautes terres des Monts d’Arrée bénéficie d’une réputation surfaite. Il est encore heureux que la Montagne St Michel, proche voisine du noir rocher, apporte le complément de sensation que les cyclo-grimpeurs sont en droit d’espérer. A savoir, une montée au ciel et un sommet qui se mérite. Quant au Roc Trévezel, qui est un mont qui se franchit à plus de 25km/h, il est à considérer comme un bon moment de détente. A ce propos, le col de Trédudon, logé sur la même crête, n’oppose guère plus de résistance…pour autant qu'Eole soit inscrit aux abonnés absents. Le second col breton, le Toullaëron, qui marque dans les Montagnes Noires la frontière entre le Finistère et le Morbihan, est de facture identique au premier. Cette constatation m’amène à affirmer que les cols ardennais n’ont rien à envier à ceux du Finistère. Comme nous étions au Trédudon, il eût été un crime de lèse petite reine de faire l'impasse sur les enclos paroissiaux de Guimiliau et de St Thégonnec qui sont situés à une encablure en contrebas du col. Ces ensembles monumentaux sont de véritables chefs-d’œuvre. L’enclos paroissial, évocateur de l’âme bretonne, regroupe une porte triomphale, un ossuaire, une église et un calvaire. St Thégonnec est l’un des triomphes incontestés des sculpteurs bretons de l’époque « Renaissance ». Le calvaire relate, en général, sous forme d’une ribambelle de statuettes de pierre la vie d’un saint ou un épisode de la passion. La plupart de ces ouvrages fut érigée pour conjurer la peste. Mais très souvent, il s'agit d'autels celtes qui ont été retaillés au début de la christianisation par des prosélytes acharnés venus de Grande-Bretagne.

Saint-Thégonnec :  un des plus beaux enclos paroissiaux de la Bretagne

La toponymie régionale ne fut pas sans intriguer l’esprit curieux qui anima notre petite équipe. Aussi, le besoin d'en savoir davantage nous amena-t-il à dialoguer avec des autochtones de tous bords : , une gentlewoman-fermière désenchantée, un maire heureux, des enfants placés par le juge en vacances contrôlées, des éducateurs en vacances pour les contrôler, des soixante-huitards toujours plantés dans leur révolution, un marin égaré en montagne, etc.
La Bretagne est balisée d’une kyrielle de « lieux-dits » où les particules « Ker » (=village) et les « Loc » (= lieu consacré) se bousculent alors que les « Coat (= bois) étouffent les « Menez » (= montagne). Allé-vélo-luia ! Enfin, nous y voilà !

Calvaire de Guimiliau : cet enclos paroissial est le symbole du mysticisme breton

Le « Menez-Bré », un grand Mont de France, constituait précisément un des buts de notre escapade. S’élevant à mi-chemin entre Guingamp et Belle-Isle-en-Terre, ce tertre de 302m d’altitude, impose la marche à pied à tout cyclo qui ose pécher par orgueil. Il faut comprendre par-là qu’un tout petit développement est absolument indispensable pour en venir à bout. Surtout quand le dit « menez » rebrousse l’échine à du 18%. Au pied de la dernière rampe, le quidam qui a son compte peut toutefois quémander le réconfort en écoutant la bonne parole dans un sanctuaire qui fait office de buvette. Ce ne fut pas notre cas et le « Menez-Bré » nous récompensa de nos efforts en nous offrant un vaste panorama sur les bocages du « Pays Côtier ».

Au bout de la péninsule, le « Menez Hom » est un belvédère qui à l'heure actuelle fait encore et toujours l'objet d'une légende. "Lorsque le roi Marc'h mourut en pleine orgie, Dieu voulut le damner. Mais la Vierge plaida si bien sa cause que le Seigneur se laissa fléchir. Le roi n'irait point en enfers si, du haut de sa tombe située sur le versant ouest du Menez-Hom, on pouvait apercevoir la chapelle de Sainte-Marie. Des années plus tard, une mendiante rencontra près de la tombe, une belle dame portant dans les plis de sa robe un objet fort lourd. C'était la Vierge qui allait déposer un caillou sur la tombe du roi. Elle demanda à la mendiante d'en faire autant. Tous ceux qui passaient par-là devaient faire de même. Depuis lors, le tas de pierres n'a cessé de monter. Il n'est pas encore assez haut et bien des siècles s'écouleront avant que l'on aperçoive le clocher de Sainte-Marie du Menez-Hom". Par contre, ce sommet veille sur la presqu’île de Crozon et sur la baie de Douarnenez. En prenant ce petit port de pêche comme point de départ de balade, quelques belles grimpettes vous rappèleront sans cesse à vos devoirs cyclotouristes. D’autant plus si vous faite comme nous le détour par Locronan et le « Menez-Kerque ».

Col de Trédudon

Cast : Rien de plus haut qu'une croix pour contempler le monde..... à l'heure de la sieste

Locronan est un petit centre touristique qui accroche les curieux comme le cirse lancéolé (chardon) attire le bourdon. De l’avis général, ce village est considéré comme l'un des plus beaux de France. Construit en pur style « Renaissance », l’industrie de la toile fit naguère la prospérité de cette bourgade. Aujourd’hui encore, la grande majorité des boutiques vendent des articles en toile et des tissus blancs. Après la visite des vieilles pierres, notre intérêt se scotcha sur la « Montagne » qui est accolée à la cité. Un raidillon de nature à vous mettre en appétit. Le relais routier de Cast répondait aux exigences des maîtres Gaster. Un peu plus tard "on the road again", pendant que Dominique s'en retournait récupérer une gourde au relais, je m'empressai de piquer un mini roupillon au pied d'un calvaire.

Quant au « Menez-Kerque », vous ne trouverez pas plus insolite que ça pour la digestion. L’ascension se meurt dans un camp militaire. « Interdiction d’entrer - Danger de Mort ». Encore préoccupé par les arcanes de la digestion, le panneau avait échappé à ma sagacité à l'inverse de mon compagnon qui se planqua à distance raisonnable de mon train arrière. Il susurra en lui-même : « S’il faut qu'il y en ait un qui saute, autant que ce soit lui. Il a de l’expérience en la matière ». Le comble de l’affaire c’est que la boutade n’était pas dénuée de bon sens.

Menez-Kerque : vue panoramique

Menez-hom : vue panoramique

Il est temps de passer à la pointure supérieure. Le « Menez Hom ». Ce mont légendaire présente la plus forte dénivelée de la moitié nord de la France. C'est un sommet prisé par les touristes pour ses points de vue exceptionnels sur le Parc d’Armorique. Une seconde légende y est née depuis notre passage puisqu'il retiendra mon sprint irrésistible à la « Abdoujaparov » obligeant Dominique à se relever avant la banderole sommitale. Mon coup de Jarnac à moi !
Tout compte fait, en comparant les trois « menez », c’est incontestablement le « Menez-Bré » qui m’a le plus impressionné par la raideur de sa pente.

Mon ultime coup de chapeau ira à la presqu’île de Crozon. Une langue de terre truffée de fortins, de casemates et de fortifications qui avance dans l’océan. De la Pointe de Penhir et de celle des Espagnols, on découvre des échappées extraordinaires sur la rade de Brest. C'est véritablement un bon moment de cyclotourisme pour autant que la circulation automobile ne soit pas trop dense.

Forêt d'Huelgoat : "La Roche Tremblante"

Forêt d'Huelgoat : chaos de rochers

Je m’en voudrais de clore ce périple sans évoquer :
-les blocs erratiques de la Forêt d’Huelgoat, sa « Roche Tremblante » et son gouffre
-les accueils et les services des relais routiers de Laniscat, de Louargat, de Plounéour-Menéz et de Cast
-les gîtes d’étape de Trévron, de Locmaria-Berien et celui de Plomarc’h

Gîte d'étape de Plomarc'h : maison typique de pêcheur (Douarnenez)

 Eté 1996

 

bruffaertsjo@skynet.be

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