José Bruffaerts       Ecrivain Public

 

 

Rien de plus haut qu'une croix
Pour contempler le monde.

(Les Sept Piliers de la Sagesse)
T.E. Lawrence
 

 
 

 
 

A chacun sa croix !

 

Croix de Montmain, Croix de Thel, Croix-Rosier, Croix des Fourches, Croix de Chaubouret, Croix Régis, Croix de Berthel, Croix-Fry, Croix de Fer, Croix des Moinats, La Croix, Croix Paquet, Kreuzweg, Croix Jubaru, Burdincurutcheta, Croce Domini, Crocen di Salven, etc.
Dans le Massif Central, les Alpes, les Vosges, les Pyrénées, en Italie, en Belgique et ailleurs, tôt ou tard, où qu'il aille le "Cent Col" sera amené à franchir un col portant le nom d'une croix.
Quant au cyclotouriste ayant un penchant pour les plaines, son paysage sera tout autant jalonné de témoignages évoquant le symbole de la chrétienté.
Souvent sous d'autres aspects. Parfois sous des formes originales qui sont de véritables appels au voyage. En Vendée, il découvrira la Croix-de-Vie. Il appréciera et sentira la beauté de la Sainte-Croix-Vallée-Française au cœur des Cévennes. A deux pas de St Tropez et de son golfe légendaire, la Croix Valmer se blottit au pied des somptueuses collines du Massif des Maures. Et encore. La Croix-de-Noailles dans les Yvelines. La Croix-Blanche dans le Châlonnais. La Croix Bayard dans l'Isère. Etc.
Au fait ! Que sait-on des croix ? Pourquoi sont-elles la plupart du temps érigées à une bifurcation ou à la croisée des chemins ?

Dans le haut Moyen Age, les croix étaient des signes de délimitation de franchise. Elles pouvaient être des signes de pardon et de réconciliation entre les proches de la victime d'un meurtre ou d'un homicide et l'auteur du méfait. On les appelait les croix de pénitence ou expiatoires.
Citons un exemple historique : "Afin de s'accaparer le pouvoir, Jean Sans Peur, duc de Bourgogne, fit mettre à mort, en 1407, son neveu corégent Louis d'Orléans. Il fut lui-même assassiné en 1419 sur le pont de Montereau par les partisans de la victime. En signe de désaveu de ce meurtre, le roi Charles VII fit élever sur le pont de Montereau une croix expiatoire. Par cet acte, le roi voulut inciter à des prières pour le repos de l'âme du défunt mais aussi rappeler par un signe tangible la faute commise et sa nécessaire réparation". On constate que les croix expiatoires sont apparues à des temps où les intérêts, les passions et les intrigues s'affrontèrent avec violence et où l'on ne faisait que peu de cas de la vie humaine. En outre, la coutume voulait que les croix de pénitence soient placées à des endroits particulièrement éprouvés par des épidémies de peste ou de choléra. Ces croix s'appelaient des croix de peste. Les croix hosannières se dressaient sur des calvaires où les pèlerins se rendaient en chantant l'hosanna. Quant aux croix votives pleines, le peuple les célébrait en l'honneur d'un patron.


 

Mentionnons encore les croix de supplice auxquels on attachait autrefois les condamnés à mort, ainsi que les croix de justice quand le tribunal siégeait en plein air, qui étaient souvent placées sur une élévation.
Mais la plupart du temps, la signification des croix varient selon les pays et les régions. Ainsi, en pays montagneux, les croix indiquent très souvent le chemin. Elles étaient érigées pour servir de repère en temps de neige ou de brume. Elles faisaient également fonction de borne frontière.
En bordure de mer ou en plaine, les croix prennent parfois des formes stylisées.
Deux exemples. En Bretagne, les croix font souvent place à des calvaires qui sont la représentation d'une légende d'un saint. Mais ce n'est pas une règle générale. Ainsi le calvaire de Plougastel a été édifié en 1602 en mémoire d'une épidémie de peste. Souvent, il s'agit d'autels celtes qui ont été retaillés au début de la christianisation par des prosélytes acharnés venus de Grande-Bretagne.
En Wallonie (Belgique), la campagne est parsemée de potales. Ces minuscules constructions, surmontées d'une croix et qui abritent une niche, se camouflent en générale derrière les haies ou à l'ombre d'arbres séculaires. Il n'est pas rare de les rencontrer à la croisée des chemins. Les origines sont diverses mais la plupart du temps, elles sont liées à un caractère religieux (imploration d'une guérison, remerciement, lieu de pèlerinage, etc.)

Ce rapide tour d'horizon à propos des croix latines n'est pas exhaustif. En effet ! Il en est encore au moins une que j'ai omis d'énumérer. Il s'agit de la croix funéraire ou la croix de la passion.
Or, si ma bonne étoile m'eût abandonné, en été 95, dans le Massif de l'Assietta, il y a gros à parier qu'une telle croix aurait été plantée parmi les éboulis au fond du ravin de la Cima Ciantiplagna. A ma mémoire in saecula saeculorum et pour épitaphe "Ad Honores".
Et vous, vous auriez été privés du divertissement d'un croisé de la petite reine !

Aussi, croisez vos doigts et le mauvais œil vous sera épargné !

 

Été 1996

 

bruffaertsjo@skynet.be

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