José Bruffaerts       Ecrivain Public

 

 

LA COLLINE INSPIREE

 
 

 
 



« Il est des lieux où souffle l’esprit » note Maurice Barrès dans « La Colline Inspirée ». Il ne m’en faut pas plus pour que je me mette à gamberger. Rien que le titre de l’ouvrage pique mon besoin de savoir.

Je commence par jeter un œil distrait sur le livre qui n’accroche pas trop mon attention. Je le feuillette néanmoins et finis par me plonger dans la lecture. Peu à peu, le récit des Frères Baillard me passionne. Le 19me siècle et « La Belle Epoque » sont des sujets qui ont toujours piqué ma curiosité. Me voilà donc bientôt suspendu au fil de leur histoire. Mais c’est le tableau de la colline, brossé par M. Barrès, qui me pousse à en savoir davantage sur ce site situé à quelques lieues au sud de Nancy. Le portrait qu’il peint de cette montagne en forme de croissant invite le cyclotouriste à y faire un tour. Un tout petit tour puisque la demi-lune d’une extrémité à l’autre ne s’étend que sur quatre petites bornes. Espace réduit à un confetti qui donne toutefois libre cours à mes vagabondages dans les limbes de mon imagination.
A ce stade des élucubrations, il ne me reste plus qu’à prendre mon bâton de pèlerin et arpenter les lieux. Sans çà, le sujet, c’est à dire le plumitif, devient quelque peu timbré et fait une fixation vaine et stérile à longueur d’année.
                          
                     

                                   


                  



Je connais maintenant la rude allégresse de gravir la côte de Praye jusqu’à la Croix de Sion en exposant le cuir de mon crâne à la douceur du soleil. Un raidillon à 15% franchi en l’espace de quelques minutes donne accès à un panorama sublime. Le regard, qui porte jusqu’aux ballons des Vosges, découvre les superbes plissements de la plaine lorraine. Au sommet, sur le plateau, tout est facile. L’agréable promenade prend son origine à l’une des cornes du croissant qui est un haut lieu de pèlerinage lorrain où gravite, comme d’habitude, une cour des miracles. Curés, clarisses, oblats, aubergistes, vendeurs de bondieuseries, agent au tourisme, fermiers, etc. et même un loueur de VTT vivent apparemment en symbiose autour du sanctuaire. De prime abord, il doit faire bon vivre là. Un chemin de ronde, qui contourne les bâtiments ecclésiastiques, installe le promeneur dans un profond silence entrecoupé, çà et là, par un cantique psalmodié par des clarisses. Les lieux dégagent un aspect de sérénité, de paix et de quiétude. Petit à petit, le visiteur accède à un état de recueillement. Son âme sort de sa léthargie. Me voilà aussi imprégné d’un peu de cette spiritualité qui me pénètre inconsciemment. Il fait bon vivre !

La vue embrasse un immense horizon. « L’horizon qui cerne cette plaine, c’est celui qui cerne toute une vie ; il donne une place d’honneur à notre soif d’infini, en même temps qu’il nous rappelle nos limites ». Cette citation est gravée en guise d’épitaphe sur la « Lanterne de Vaudémont », une colonne funéraire dédiée à la mémoire de M. Barrès. Cette inscription interpelle le passant et l’invite à la réflexion. Tel un obélisque, cette stèle, plantée sur un mamelon herbu, monte au ciel à mi-chemin entre le sanctuaire de Notre-Dame de Sion et le village de Vaudémont qui défend l’autre extrémité du promontoire. Une fois de plus, le paysage envoûte le visiteur et le retient sur cette butte par je ne sais quel charme. Pour ma part, je me sentais léger, aérien et grisé par l’air pur. Je serais bien resté une éternité sur ce coteau. Ce que je ne m’explique pas, c’est que par le passé, j’ai eu l’occasion de gravir des côtes, des cols et des monts par centaines, voire par milliers. Mais, jusque là, je n’avais jamais éprouvé au sommet cette envie de flânerie éternelle comme c’était le cas sur cet éperon. Hélas, les contraintes du XXIme siècle me rappelait à l’ordre. Une brève incursion dans la vallée opposée me conduisit dans le village de Saxon que l’on retrouve au cœur de l’histoire de « La Colline Inspirée ». Une dizaine de maisons bordent la rue des Frères Baillard qui grimpe au sanctuaire de Notre-Dame de Sion. Elle aussi affiche une côte à trois chevrons. Et voilà qu’au sommet, je retombe sous le charme de ce site exceptionnel. Un nouveau tour du chemin de ronde et un intermède consacré à une brève tentative de recherche d’une « étoile de Sion » au lieu-dit « La Croix Sainte Marguerite » sont mes derniers moments de plénitude sur cette montagnette.
Les heures défilent et il est temps de retrouver la voiture dans la plaine.
 

                                       

M. Barrès ne m’a pas déçu. Que vous soyez à pied, à vélo ou en auto, ne loupez pas de faire un détour au Signal de Vaudémont dans le pays saintois au cœur de la Lorraine. Même si la campagne repose sous un linceul de brume, un timide rayon de soleil transporte déjà le visiteur au septième ciel.


Septembre 2000

 

bruffaertsjo@skynet.be

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