José Bruffaerts       Ecrivain Public

 

 

Psyché, dis-moi qui me hante !

 
 

 

 

« Connais-toi, toi-même ». Qui ne connaît pas cette célèbre maxime que nos mentors se plaisent à nous bassiner dès notre enfance !

Faut croire que j’ai la tête dure puisque au bout d’un quart de siècle, je ne suis toujours pas fichu de me situer parmi la gent cyclo. Un rapide tour d’horizon aura tôt fait de fixer le lecteur.
Il est notoire auprès de la dite gent que le P.B.P. constitue le point d’orgue d’une carrière de randonneur. Je n’y ai jamais participé. Oh ! Il m’est bien arrivé de parcourir 450 bornes en 24h. mais, ça n’est pas mon truc. Exit donc mon bâton de maréchal de randonneur. Les « diagonales » ne sont pas mal en soi non plus. Mais comme les diagonales, les « flèches » qu’elles soient en France ou en Belgique, elles ne me tentent guère. Exit. Les longues nationales du « chemin de Compostelle » vont à l’encontre de l’idée que je me fais du cyclotourisme. Exit. Ni le « Tour de France », ni les « Relais de France » ne m’ont jamais flashé. Trop de platitude à mon gré entre les massifs montagneux. Exit. Le « Raid Pyrénéen », programmé en son temps, capota quelques heures avant le départ. Contre toute attente, mon coéquipier fit faux bond. Le raid fut remis aux calendes grecques. Exit. Les « Randonnées Alpines » ont toujours fait baver l’Ange que je ne serai jamais. Ayant pourtant déjà emprunté les tronçons les plus critiques, aucune réalisation de Georges Rossini n’est reprise dans mes annales coliteuses. Exit. Bref, excepté les classiques belges, aucune des randonnées citées plus haut ne figurent à mon tableau de chasse. Probité oblige, il me faut renoncer sur ma carte de visite aux grandes pompes du « Randonneur Complet ».

Suis-je alors un cyclo occasionnel ? Un promeneur qui cycle aux rares heures où Phébus pointe le bout de son nez ! Pas du tout. Le virus est trop profondément ancré et les moyennes démontrent la non-vraisemblance de cette hypothèse. En effet ! Annuellement, mon compteur enregistre un kilométrage au-delà des 5200 km. Soit une moyenne hebdomadaire supérieure à 100 km. Pour une dénivelée moyenne frôlant les 900m. En résumé, en extrapolant les statistiques des 5 dernières années, cela revient à dire que je me tape toutes les semaines de l’année un brevet à dénivellation !!! Et pourtant, je ne me sens pas plus dans la peau d’un cyclo-montagnard que dans celle d’un cyclo-sportif. Pour preuve. Les raidillons, les côtes et les cols se franchissent au rythme d’un asthmatique qui ne risque pas d’exploser. Quant à tourner toute une randonnée contre le chrono, oublions ce petit jeu ! Je n’en ai plus les moyens. Il est possible que l’un ou l’autre compagnon de fortune me fourre dans la légion des contemplatifs. Hélas, il fait fausse route car ma prose ne fait pas toujours la chanson. Mon débit n’est pas constamment le reflet de ma « petite » personne et il m’arrive d’avoir de beaux restes, de me métamorphoser en couraillon éphémère. L’espace d’un coup de gueule ou bien à l’occasion quand une horde sauvage me dépasse et décoiffe le rare poil de mon cuir chevelu. Serais-je un hypocondriaque qui se soigne par le vélo ? Un malade imaginaire en mal de sa cure d’oxygène hebdomadaire? Non, ça non plus ne tient pas la route puisque mon péché mignon consiste à accrocher des fontes à mon biclou pour m’échapper une ou deux semaines à l’étranger. En solitaire ou en duo mais toujours en totale autonomie.
Mais bon sang, c’est bien sûr ! « Cyclo-voyageur », voilà l’étiquette qui me colle le mieux à la peau. Hé ! Hé ! Il y a un hic ! En voyage, je ne raisonne qu’en terme de montagne et la chasse aux cols et aux monts prime sur toutes les autres priorités. Le contemplatif et le touristique s’efface devant la performance musclée. Comme l'itinéraire et les objectifs sont toujours scrupuleusement respectés – sauf rare accident – mes coéquipiers savent que mes escapades sont loin d’être des cures de repos ! Là à nouveau, je me trouve en porte-à-faux avec des principes élémentaires du cyclotourisme quoique…concocter un itinéraire, le réaliser et ensuite le traduire, en tout ou en partie, sur papier m’est une source intarissable de plaisirs. A y réfléchir à deux fois, l’étiquette ça ne veut rien dire. L’important n’est pas l’apparence mais ce que l’on ressent. Or, à vélo, je prends toujours mon pied quelles que soient les fantaisies qui me passent par la tête.
Somme tout, l’éclectisme n’est-il pas une des valeurs les plus sûres pour assurer la pérennité du cyclotourisme ?
Qu’en pense le cyclo de la base ?

 

Hiver 1999

 

bruffaertsjo@skynet.be

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