José Bruffaerts       Ecrivain Public

 

     
 

 
 

LE  PUY-DE-DÔME


     Un jour de printemps pas comme les autres. C’est la fête attendue par beaucoup de  cyclotouristes depuis des mois.  La route à péage qui conduit au sommet du Puy-de-Dôme est ouverte à tous les cyclistes.  Aux cyclos de plus de 18 ans. La seule et unique fois de l’année.   Ce rendez-vous s’impose petit à petit comme une classique cycliste incontournable du calendrier. Aussi n’est-il pas exceptionnel de voir pointer des ribambelles de cyclistes ce jour-là sur les pentes de l’ancien volcan !
Après une soirée conviviale en compagnie de quelques amis sous les lampions  de Clermont-Ferrand, nous voilà de bonne heure à pied d’œuvre dans les faubourgs de la cité épiscopale.  Plus précisément à Royat au pied de l’épouvantail qui impose le respect et force l’humilité.



Parc des Volcans


Dès les dernières bâtisses de Royat, la pente s’accentue et se stabilise autour des 7 % en décrivant de beaux lacets dans un cadre verdoyant.  Cet itinéraire  présente l’avantage d’éviter la circulation particulièrement dense de la nationale.
A la hauteur de La Font de l’Arbre, nous côtoyons les premiers cyclos qui ont pris la voie directe pour gravir les pentes du géant.  Julien et Renaud, les deux jeunes en herbe de l’équipe,  se catapultent en tête.  Ils roulent au train et se voient dans l’obligation d’attendre la vieille garde au pied de la route à péage.  Comme ce sont des mineurs d’âge, il est impératif de recourir à la tangente via le col de Ceyssat.   La route, de plus en plus raide, serpente dans une végétation où les verts et le jaune se marient en une parfaite harmonie.  Sous un soleil qui se manifeste sans retenue, les jeunes poursuivent l’ascension à tout berzingue abandonnant les aînés  à leur crapahutage.


 

Comme de bien entendu, je me présente bon dernier au col où mes compères ont déjà repéré le sentier qui assure la liaison entre le col et la route à péage.  A maintes reprises, des énormes  rochers obstruent le passage.   Ca ne pose pas problème.  D’autant moins qu’il faut rendre les honneurs du pied sur cette piste où les silex tiennent le haut du pavé. Le poussage m’en fait baver plus que la grimpette à vélo.  En effet !  Très vite, ça me tire dans les mollets au point où je préfère me remettre en selle quoique la roue arrière patine sans arrêt.  Epreuve de courte durée car le sentier débouche  rapidement sur la voie officielle.  Les éclaireurs du peloton, naviguant souvent au bord du paroxysme de l’effort, ne prêtent absolument pas attention à notre apparition inopinée.  Il reste un peu moins de trois bornes pour le sommet.  Dominique donne les ultimes consignes à ses fistons qui s’empressent d’écraser les pédales afin de se payer le scalp des chaloupeurs.  Dominique monte à sa main ; je mouline à une poignée de mètres.  Un couraillon, vêtu d’un habit de lumière (plus fluo que ça, ça n’existe pas) se hisse à ma hauteur.  Il me dépose aussitôt.  Les sublimes paysages du parc des volcans défilent sous mes yeux sur des dizaines de lieues à la ronde.  J’en prends plein les mirettes.  Soudain, au détour d’une courbe, j’aperçois le gros bras qui défie les lois de l’équilibre, toujours en selle, la main plaquée contre la paroi rocheuse.  Dès qu’il voit poindre ma casquette, il relance rageusement les mécaniques. Va-t-il rendre les honneurs du pied au géant ?  Jamais devant un touriste de mon acabit, doit-il se dire !  Pourtant !  Une fois de plus, il est obligé de s’appuyer à un parapet pour reprendre son souffle.  Pour lui éviter une éventuelle explosion, je me résous à mettre un braquet d’asthmatique et le martyr disparaît de mon horizon.  Heu-reux qu’il est !  Et moi, et moi, et moi ! 

Quelques instants plus tard…

Après les Jacquemin, c’est à mon tour de découvrir le vaste cratère du Puy de Dôme qui est aménagé pour accueillir une caravane de Tour de France.  Une médaille pour les fistons.  Une ascension hors catégorie et une série BIG (Brevet International du Grimpeur) complète pour le crabe.  Quelques clichés pour immortaliser les lieux et une courte balade à pied dans les herbages de cette montagne qui est un haut lieu légendaire.  Ce mont majestueux qui, depuis des siècles, inspire un effroi superstitieux aux hommes.  Les Gaulois venaient y prier leur dieu Lug.  Les Romains y bâtirent un temple à la gloire de Mercure ; les chrétiens y élevèrent une chapelle dédiée à St Barnabé.  Quant aux cyclistes, ils le vénèrent autant que le Ventoux.    Nous écourtons ce moment de quiétude bien que nous soyons en avance sur notre timing.  Comme il nous reste encore pas mal de pain sur la planche, c’est à tombeau ouvert que nous dévalons la pente.  La vigilance est de mise car un  régiment débandé de cyclos crapahute encore sur les flancs de l’ancien volcan.  Il occupe toute la largeur de la route.  Chaloupant dans tous les sens. Frisant à chaque instant la collision de face.

Ouf !  Voilà les premières maisons de Royat et sans nous attarder, nous mettons le cap sur Jaligny s/ Besbre où au Puy St Ambroise, une autre ascension nous attend.
 

Printemps 1996

 

bruffaertsjo@skynet.be

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