José Bruffaerts       Ecrivain Public

 

     
 

 

La Madone d’Utelle

Les Alpes Maritimes. Trente-cinq km au nord de Nice. Une madone domine les Gorges de la Vésubie. C’est la Madone d'Utelle, un sanctuaire (1180m) perché sur une montagnette qui développe 855m de dénivelé pour une distance supérieure à 15 km. Déclivité honorable puisque la moyenne est supérieure à 5.5%.
Je n’irai pas par quatre chemins pour lui coller une appréciation. Si par malheur, le grand Ordonnateur de l’univers ne devait m’accorder plus qu'une ultime ascension, mon choix se porterait sans hésitation sur la Madone. Pas pour métamorphoser l’agnostique que je suis en grenouille de bénitier. En effet, le sommet abrite un sanctuaire qui est un centre de dévotion à Notre-Dame des Miracles, la Vierge aux étoiles qui fait pleuvoir ses grâces sur ceux qui la demandent. La légende rapporte que deux ou trois navigateurs ibères perdus dans la tempête au large de Nice aperçurent une lumière surnaturelle qui les dirigea vers la côte. Ils installèrent un oratoire au sommet de la montagne salvatrice. Mon objectif à moi est malheureusement beaucoup plus prosaïque.
La grimpette prend son envol dans le hameau de St Jean-la-Rivière après le pont qui enjambe la Vésubie. Le petit village est blotti au pied d’un immense adret rocheux. Le moindre carré de paysage est exploité et tout à tour, prés de fauche, olivaies, figuiers isolés et arbrisseaux jalonnent ce parcours verdoyant. Une suite de lacets successifs précipite le regard dans la profonde entaille des Gorges de la Vésubie. Il faut grimper au ciel pour saluer la Vierge aux étoiles. Il n’y a pas de miracle ! L'accès pentu n’a d’ailleurs rien à envier à son illustrissime voisin le « Turini ». C’est un large lacet qui s’enroule autour du vieux village d’Utelle, juché sur un promontoire à la cote 800, qui met fin à la première partie de l’ascension. Le paysage change d’aspect. La route épouse alors le flanc d’une montagne couverte de marnes arides.
Clin d’œil pour les rats de bibliothèques qui s’intéressent à l’histoire du « Petit Caporal » ! Utelle se situe dans un haut lieu de l’époque napoléonienne. Le général Masséna y fit hisser une pièce de canon jusqu’au col de Castel Ginesté pour déloger les Austro-sardes.
Cet accès doit être fort fréquenté en saison puisque le service voyer vient de couler un bitume extra lisse allant du village jusqu’à une encablure au-delà du col de la Madone. Un revêtement qui ferait baver plus d’un manager de vélodrome. Autant vous dire que le tempo s’accéléra tout naturellement. Au-delà de l’intérêt historique, la traversée des olivaies et les troupeaux de moutons apportent une connotation agropastorale au parcours.

La végétation change. Des châtaigniers et une forêt de chênes filtrent maintenant les rayons du soleil. De temps en temps, au détour d’un lacet, apparaît la tour du centre de télécommunication qui encourage le grimpeur à écraser les pédales. Petit à petit, la forêt se fait plus clairsemée et elle disparaît bientôt en vue du sommet. Un sommet bien dégagé qui s’étend sur une large calotte herbeuse de plus d’un kilomètre de long où se succède, tout à tour, oratoire et annexes, table d’orientation sous abri et centre de télécommunication. Panorama unique sur le Parc du Mercantour et le Haut Pays des Alpes Maritimes. Il n’y en a pas que pour les routiers. Tout un réseau de chemins muletiers relie Utelle à la vallée et fait le bonheur des vététistes. Le contemplatif trouve également son compte dans ce lieu de ressourcement et de réflexion. Quant au dévot, il peut s’acquitter à l’oratoire de sa BA quotidienne en offrant un lumignon à la Madone aux étoiles. Au cœur de la chapelle, le pèlerin est accueilli par un véritable bataillon illuminé constitué d’une myriade de cierges offrandes. Dans le porche de l’édifice religieux, des présentoirs proposent des bondieuseries, des cartes illustrées, des prospectus et livrets divers en échange de quelques sous. Je prélève 3 cartes représentant le paysage environnant. Toutefois, l’absence d’un responsable m’embarrasse car je ne sais pas comment m’acquitter de ma dette. En effet, j’avais laissé toutes mes affaires dans ma voiture qui était garée dans la vallée. Donc, pas la moindre piécette à glisser dans le tronc. Or, un gros billet en contre valeur de 3 cartes était un marché tout à fait inéquitable. Même un martyr de l’époque romaine aurait reculé devant un tel sacrifice. Sincèrement contrit de cette situation, je m’adresse à l’unique âme qui rôde à proximité du sanctuaire. Chou blanc ! De deux choses l’une, soit je remets les cartes dans le présentoir, soit je prends le risque d’encourir des foudres du ciel. Optant pour la seconde solution, il faut reconnaître que le ciel ne m’en a pas tenu rigueur. En effet, un rien plus tard, j’échappais de justesse à une collision frontale dans la vallée du Var.
Raison suprême de placer l’ascension de la Madone d’Utelle en tête au hit parade de mes grimpettes.
Allé-vélo-luia !

Septembre 99


 

bruffaertsjo@skynet.be

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